Lu en 2016
1. Italo Svevo, La Conscience de Zeno ;
2. Lucien Rebatet, Les Deux Étendards ;
3. Richard Hughes, A High Wind in Jamaica ;
4. William Faulkner, As I Lay Dying ;
5. Hermann Broch, Les Somnambules.
49 livres
créée il y a presque 9 ans · modifiée il y a environ 6 ansLa Plaisanterie (1967)
Žert
Sortie : 1980 (France). Roman
livre de Milan Kundera
Venantius a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Oui, j'y voyais clair soudain : la plupart des gens s'adonnent au mirage d'une double croyance : ils croient à la *pérennité de la mémoire* (des hommes, des choses, des actes, des nations) et à la *possibilité de réparer* (des actes, des erreurs, des péchés, des torts). L'une est aussi fausse que l'autre. La vérité se situe juste à l'opposé : tout sera oublié et rien ne sera réparé. Le rôle de la réparation (et par la vengeance et par le pardon) sera tenu par l'oubli. Personne ne réparera les torts commis, mais tous les torts seront oubliés.
Vie et Destin (1962)
Zhizn i Sudba
Sortie : 1980 (France). Roman
livre de Vassili Grossman
Venantius a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Les étoiles se sont éteintes dans le ciel nocturne, la Voie lactée a disparu, le soleil s'est éteint, Vénus, Mars et Jupiter se sont éteints ; les océans se sont figés, et le vent a cessé de souffler, et les fleurs ont perdu leurs couleurs et leurs parfums, le pain a disparu, et l'eau a disparu, la fraîcheur et la chaleur de l'air ont disparu. L'Univers qui existait en l'homme a cessé d'être. Cet Univers qui ressemblait de manière étonnante à l’autre, l’unique, celui qui existe en dehors des hommes. Mais cet Univers avait ceci de particulièrement étonnant qu’il y avait quelque chose en lui qui distinguait le parfum de ses fleurs, le ressac de son océan, le frémissement de ses feuilles, les couleurs de ses granits, la tristesse de ses champs sous une pluie d’automne, de l’Univers qui vivait et qui vit en chaque homme, et de l’Univers qui existe éternellement en dehors des hommes.
Histoire du Japon médiéval (2013)
Le monde à l'envers
Sortie : 22 août 2013. Essai, Histoire, Culture & société
livre de Pierre-François Souyri
Du gouvernement des vivants (2012)
Cours au Collège de France : 1979-1980
Sortie : 8 novembre 2012. Essai
livre de Michel Foucault
Agonie d'agapè (2002)
Agapē Agape
Sortie : 2007 (France). Roman
livre de William Gaddis
Annotation :
[commencé, on ne peut pas dire que j'aie été très convaincu]
Le Désenchantement du monde (1985)
Une histoire politique de la religion
Sortie : 24 novembre 2005 (France). Essai
livre de Marcel Gauchet
Venantius a mis 9/10.
Annotation :
Le changement qu’elle [la Réforme] exprime dans les perspectives de l’action terrestre n’est qu’un cas de figure, pourrait-on dire, d’une inversion générale des logiques de la puissance dont la dynamique de l’État moderne constitue l’autre incarnation exemplaire. On a entrevu les prodromes du basculement à propos de la prime coagulation de la forme nationale : elle se met à passer par l’administration en profondeur d’un territoire assumé dans sa circonscription, et en s’approfondissant sur la durée, elle va de plus en plus emprunter les voies de la correspondance du pouvoir à la volonté de ses administrés, de la participation des citoyens, de l’émancipation des intérêts, de la libération de l’initiative civile. La croissance par la limitation : tel est le secret du renforcement sans précédent des instances publiques à l’âge de la liberté. Contre l’apparence, la démocratie, et la cacophonie de la multitude, l’ouverture aux humbles et aux faibles, et le heurt des droits égaux de tous, sont le vrai ressort de la puissance — ce que méconnaissent également le bon sens conservateur, tout à sa crainte de l’impéritie anarchique des esclaves, et le bon sens progressiste, tout à son espérance de moralité collective, quand il s’agit des moyens de la force sociale.
Les Somnambules (1932)
Die Schlafwandler
Sortie : 1932. Roman
livre de Hermann Broch
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
“— Quelque part habite en chacun l’espoir insensé que ce peu d’érotisme à nous accordé pourrait jeter ce pont hors de la solitude. Gardez-vous du pathétisme de l’érotisme. […] Tout pathétique tend à promettre des mystères et à dégager sa promesse par un recours à la mécanique. Je voudrais vous savoir à l’abri de cette sorte d’amour.”
Petite histoire de l'Afrique
L'Afrique au sud du Sahara, de la préhistoire à nos jours
Sortie : 6 janvier 2011 (France). Essai
livre de Catherine Coquery-Vidrovitch
Province (1934)
Les Hommes de bonne volonté, tome 8
Sortie : 1934 (France). Roman
livre de Jules Romains
Annotation :
Il [Mionnet] constatait une fois de plus avec curiosité que lorsqu’on s’approche des gens qui occupent dans la société les situations importantes, on s’explique presque toujours pourquoi ils y sont. Non point forcément qu’ils apparaissent comme dignes de la place ; encore moins comme les plus dignes. Mais il est rare qu’on n’aperçoive pas une qualité d’intelligence ou de caractère qui les sortait du commun, même — et surtout — si elle ne s’accompagnait d’aucune élévation morale. Quand on a vingt ans on s’imagine volontiers, sur la foi d’un certain nombre d’apparences, que les hauts emplois sont peuplés de ganache. C’est une vue partielle.
Montée des périls (1935)
Les Hommes de bonne volonté, tome 9
Sortie : 1935 (France). Roman
livre de Jules Romains
Annotation :
De même, vos convictions [socialistes] vous obligent à avoir une bonne opinion de la nature humaine. Vous admettez qu’un travailleur, pris au hasard, est un brave bougre. Si vous patron est un mauvais bougre, ce n’est pas parce qu’il est homme, c’est parce qu’il est patron. S’il y a des apaches qui font des cambriolages et des attaques nocturnes, s’il y a des femmes qui font les putains, et des gars qui se soûlent la gueule jusqu’à être noirs, c’est d’abord parce que la société est mal bâtie. Vous tenez pour article de foi qu’en supprimant un régime social qui crée automatiquement l’injustice, la violence, la misère, le vice, la guerre, vous assurerez un règne suffisant de la justice, de la moralité et de la paix. C’est dire que vous ne prenez pas les hommes pour de méchants singes, qui font le mal par plaisir, ne s’en privent que par peur, et s’arrangeront sont tous les régimes pour assouvir leurs sales instincts. La fraternité humaine — la vraie, pas celle que les bourgeois ont mensongèrement inscrite sur les monuments publics — cimente tout votre programme. Et pourtant vous n’arrivez pas à être un naïf. Vous nourrissez une secrète méfiance de l’homme — et de la femme. Vous avez que si votre sœur Isabelle fait la putain, ça peut s’expliquer en partie par le régime capitaliste — en partie, et en voyant les choses d’en haut — mais qu’à les voir de près, il faut aussi faire une petite part à la garcerie d’Isabelle. […] Et si d’un autre côté, son Romuald est devenu un mec, et peut-être un bandit, au lieu d’apprendre le métier de dentiste, qui est flatteur et lucratif, c’est qu’il a dû être gêné dès le début par un gros poil dans sa main. Ce poil-là, ce n’est pas le régime capitaliste qui l’y a mis.
Les Pouvoirs (1935)
Les Hommes de bonne volonté, tome 10
Sortie : 1935 (France). Roman
livre de Jules Romains
Recours à l'abîme (1936)
Les Hommes de bonne volonté, tome 11
Sortie : 1936 (France). Roman
livre de Jules Romains
Annotation :
Ils savaient voir, d’une idole de la foule, qu’elle était simplement un morceau de pierre ou de bois. Ils dégonflaient les grands sentiments. Ils racontaient sur les grands hommes des histoires de coucherie, d’argent emprunté, de syphilis. Chez eux la clairvoyance, fouettée par l’élixir, atteignait à ce degré où elle cesse d’être tout à fait une opération froide de l’esprit pour devenir un vice qui intéresse les nerfs presque autant qu’une subtile pratique sexuelle. Elle pouvait s’exercer sur eux-mêmes sans danger de dépression ; car que risquaient-ils d’apercevoir, sinon qu’ils étaient à peu près aussi petitement ignobles, mesquinement fourbes, aussi avares, aussi envieux, aussi dépourvus de générosité morale et de génie authentique que Napoléon, Victor Hugo ou Richard Wagner ?
Les Créateurs (1936)
Les Hommes de bonne volonté, tome 12
Sortie : 1936 (France). Roman
livre de Jules Romains
Annotation :
Il n’avait aucune admiration ni aucun regret en bloc du passé. Il admettait seulement que les vastes espaces de l’histoire étaient ponctués, comme l’océan l’est par des îles, par quelques réussites étroitement limitées. Que même pour la courte période où elles s’étaient maintenues, ces réussites n’avaient intéressées qu’une faible portion du genre humain. Il pensait qu’il avait pu faire bon vivre, durant un petit nombre d’années, et pour les gens d’une certaine classe, dans telle ville de la Grèce antique, ou de l’Empire romain, ou de l’Italie renaissance, ou de la France d’autrefois ; dans telle abbaye d’avant la Réforme ; dans telle petite cour allemande du dix-huitième ; mais qu’autre de ces oasis une immensité menaçante de misère, d’ignorance, de désordre, n’avait pas cessé de régner ; et que les bénéficiaires de ces prodigieuses rencontres n’avaient eu aucun moyen assuré d’en communiquer le secret aux autres, à supposer qu’ils eussent voulu leur faire cette charité, ni d’en léguer la jouissance à leurs descendants. Il ne niait pas que l’avenir pût connaître à son tour des bonheurs analogues ; mais il ne l’en croyait pas plus capable que le passé ; et il ne découvrait entre ces réussites anciennes ou futures aucun lien nécessaire, rien qui ressemblât à l’élan, continu malgré les accidents de l’histoire, que les mystiques de l’humanité nomment le progrès.
Mission à Rome (1937)
Les Hommes de bonne volonté, tome 13
Sortie : 1937 (France). Roman
livre de Jules Romains
Annotation :
“La vérité, c’est de penser vrai ; c’est ne pas être dupe… La masse humaine n’a droit à rien, exactement. Elle est, par rapport à moi [Mionnet] un des constituants du milieu naturel, comme le sol, la végétation. Tout a été perdu quand les meilleurs se sont laissé envahir par l’idée d’être injuste. L’idée de justice ? Un cancer. Je suis injuste envers le nègre du fond de l’Afrique en acceptant d’être propre, bien vêtu, bien nourri, instruit, alors qu’il est pouilleux, stupide et affamé. Je suis injuste envers le mouton dont je mange la côtelette ; envers le plant de haricot qui fut dépouillé pour moi ; nous sommes tous injustes envers les singes qui avaient peut-être droit à l’empire du monde ; envers les fourmis, envers les microbes, dont nous contrarions les aspirations ; envers l’air, à qui nous chipons son oxygène. Dès qu’il est question d’égalité des droits, et de ‘réciprocité’, pas moyen de s’arrêter dans le glissement vers l’absurde.”
Le Drapeau noir (1937)
Les Hommes de bonne volonté, tome 14
Sortie : 1937 (France). Roman
livre de Jules Romains
Annotation :
À l’Est, soudé à ce pays qui en était le front, le balcon sur la mer, il y avait le continent ; l'Europe, maigre et osseuse, riche et tourmentée, solidaire et divisée, une mais non unie. Il y avait en effet des Rois, des Empereurs et des Peuples. Ni les Rois, ni les Empereurs, ni les Peuples ne savaient au juste pourquoi ils tenaient tant à se faire la guerre, ni ce qu'ils y cherchaient. Ni les uns ni les autres n'avaient présent à l'esprit le miracle de ce continent, ni le miracle, plus fragile encore, qui était sa chance dans le monde. Cette Europe, la leur, devenue mère et tutrice de tous les peuples, source des pensées et des inventions, détentrice des plus hauts secrets leur était moins précieuse qu'un drapeau, qu'un chant national, qu'un dialecte, qu'un tracé de frontière, qu'un nom de bataille à inscrire sur un socle, qu'un gisement de phosphates, qu'une statistique de tonnage comparé, que le plaisir d'humilier le voisin.
Tel quel (1941)
Sortie : 1941 (France). Aphorismes & pensées
livre de Paul Valéry
Annotation :
Dire : Je vous aime, à quelqu'un, jamais on ne l'eût inventé ; ce n'est là que réciter une leçon, jouer un rôle, commencer à débiter, à sentir et à faire sentir tout ce qu'il y a d'appris dans l'amour.
Cette parole, dont la mémoire fait les frais, transforme sur-le-champ la situation des esprits, ouvre une perspective de prodiges et de vicissitudes où la conscience se perd. L’instant se fait énorme, la sensation d’un seuil redoutable franchi s’impose. On croit avoir prononcé devant l’univers des mots magiques, et ils le sont en vérité, précisément parce qu’ils sont appris comme une formule dont les livres et le théâtre nous ont instruits. À ces mots s’illuminent les fresques traditionnelles de l’amour. On fait son entrée sur je ne sais quelle scène mentale de l’Opéra où l’on se voit puissant et tendre, ne disant rien que de charmant. On est anxieux, magnifique, puéril et ridicule. Dans les ombres du beau décor se distinguent vaguement toutes les richesses de la circonstance, les mystères de la génération, les enfers de la jalousie, tous les malheurs classiques des amants, et une foule de monstres sociaux, juridiques, pécuniaires, religieux, gynécologiques, terriblement conséquents avec eux-mêmes, et d’ailleurs fort bien liés entre eux.
Regards sur le monde actuel (1945)
et autres essais
Sortie : 1945 (France). Essai, Philosophie
livre de Paul Valéry
Annotation :
Politique et liberté s’excluent, car politique, c’est idoles.
Je trouve que la liberté de l’esprit consiste dans un “automatisme” particulier qui réduit au plus tôt les idées à leur nature d’idées, ne permet pas qu’elles se confondent avec ce qu’elles représentent, les sépare de leurs valeurs affectives et impulsives, lesquelles diminuent ou falsifient leurs possibilités de combinaison. Ces dites valeurs ne sont liées que par accident. Une idée triste se décompose en une idée qui ne peut pas être triste et une tristesse sans idée.
Il ne faut pas confondre cette “liberté” avec ce que l’on nomme communément “la liberté de penser”, ou avec la “liberté de conscience”. Celles-ci sont tout extérieures : il s’agit de manifestations ou d’actions, les unes et les autres généralement peu compatibles, chez ceux qui s’en inquiètent, avec la « liberté de l’esprit » définie ci-dessus.
Un esprit vraiment libre ne tient guère à ses opinions. S’il ne peut se défendre d’en voir naître en soi-même, et de ressentir des émotions et des affections qui semblent d’abord en être inséparables, il réagit contre ces phénomènes intimes qu’il subit : il tente de les rendre à leur particularité et instabilité certaines. Nous ne pouvons, en effet, prendre parti qu’en cédant à ce qu’il y a de plus particulier dans notre nature, et de plus accidentel dans le présent. L’esprit libre se sent inaliénable
Les Désarrois de l'éleve Törless (1906)
Die Verwirrungen des Zöglings Törless
Sortie : 1960 (France). Roman
livre de Robert Musil
Venantius a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Mais quelque chose en est resté à jamais : la petite dose de poison indispensable pour préserver l'âme d'une santé trop quiète et trop assurée et lui en donner une plus subtile, plus aiguë, plus compréhensive.
Voudriez-vous d’ailleurs faire le compte des avilissements dont toute grande passion a laissé les brûlures dans l’âme ? Songez aux heures d’humiliation volontaire de l’amour ! À ces heures d’absence ou les amants se penchent sur le bord de profondes fontaines, ou posent à tour de rôle leur oreille sur le cœur de l’autre pour essayer d’entendre les grands chats impatients griffant les parois de leur cachot ! Rien que pour se sentir trembler ! Rien que pour s’effrayer de leur solitude au-dessus de ces profondeurs obscures et infamantes ! Rien que pour se réfugier tout entiers l’un dans l’autres, avec l’angoisse d’être seuls avec ces sombres puissances !
Regardez donc simplement de jeunes couples dans les yeux. Ces yeux qui disent : Pensez ce que vous voudrez, vous n’avez aucune idée des profondeurs où il nous arrive de descendre ! Ces yeux où brillent une raillerie secrète à l’égard de qui peut ignorer tant de choses, et la tendre fierté de ceux qui ont traversé tant d’enfers
Le Cerf-Volant d'or (1925)
Aranysárkány
Sortie : 1925 (Hongrie). Roman
livre de Dezső Kosztolányi
Venantius a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Lui [Novàk] aussi voyait les élèves autrement qu’ils ne se voyaient, de même que les élèves les profs. Des yeux bleus, des yeux bruns étincelant, le fixaient, quelques lunettes, des cheveux blonds et des cheveux noirs, coiffés en arrière, pommadés avec art ou coquettement pomponnés, des têtes rasées en dégradé ou hirsutes, ou encore ébouriffées à la va-vite avec une brosse mouillée, comme des plumes de poulet trempées, et des visages, mignons, encore des visages de filles, pâles d’angoisse, méchants de terreur comme des faces d’assassins, et puis sous les bancs des cuisses martyrisées, tordues de frayeur, et des pieds, recouverts de souliers en cuir brut noir, jaune ou non verni, qui se marchaient dessus. C’était là des gamins, qui se croyaient très grands, et qui avaient peur. Il se sentit attendri.
Epépé (1970)
Sortie : 1970 (France). Roman
livre de Ferenc Karinthy
Venantius a mis 7/10 et a écrit une critique.
Tandis que j'agonise (1930)
As I Lay Dying
Sortie : 1934 (France). Roman
livre de William Faulkner
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
“But I aint so sho that ere a man has the right to say what is crazy and what aint. It’s like there was a fellow in every man that’s done a-past the sanity or the insanity, that watches the sane and the insane doings of that man with the same horror and the same astonishment.”
Le Retour de Casanova (1918)
Casanovas Heimfahrt
Sortie : 2013 (France). Roman
livre de Arthur Schnitzler
Venantius a mis 5/10.
Annotation :
Après des années et des années de voyages et d’aventures, après tous les bonheurs et tous les malheurs qu’il avait connus, après les honneurs et les ignominies, après les triomphes et les humiliations, il lui fallait pourtant bien un lieu de repos, une patrie. Y en avait-il pour lui une autre que Venise ?
La Conscience de Zeno (1923)
La Coscienza di Zeno
Sortie : 1954 (France). Roman
livre de Italo Svevo
Venantius a mis 9/10.
Annotation :
— La vie n’est ni belle ni laide, dis-je, mais elle est originale.
En y réfléchissant, j’eus l’impression d’avoir dit une chose importante. Ainsi désignée, la vie me parut si neuve que je me mis à la considérer comme si elle m’apparaissait pour la première fois, avec ses corps solides, liquides et gazeux. Si je l’avais décrite à quelqu’un qui n’aurait pas su ce que c’était, à un être dénué de notre sens commun, il serait resté bouche bée devant cette énorme construction sans but. Il m’aurait demandé : “Comment avez-vous donc pu la supporter ?” Puis, mis au courant de tous les détails, depuis les corps célestes suspendus là-haut, que l’on peut voir mais non toucher, jusqu’au mystère qui entoure la mort, je suis sûr que pour finir il se serait écrié : “Vraiment, oui, très originale.”
Les Chiens de garde (1932)
Sortie : 1932 (France). Essai
livre de Paul Nizan
Venantius a mis 5/10.
Annotation :
[L’intelligence] sert à tout, elle est bonne à tout, elle est docile à tout ; cette passive femelle s’accouple avec n’importe qui. Intelligence utile au vrai, au faux, à la paix, à la guerre, à la haine, à l’amour. Elle renforce avec une indifférence d’esclave les objets auxquels tour à tour elle consent à s’asservir, la géométrie et les passions de l’amour, la révolution et les stratégies des états-majors. Cette grande vertu est simplement technique. Les gardiens de prison sont aussi intelligents que leurs prisonniers, les vainqueurs autant que les vaincus. L’intelligence peut servir sans révolte, sans mouvement, sans opération propres [sic], des philosophies de la libération et des sagesses de l’écrasement, des philosophies réactionnaires et des philosophies démocratiques, en ce qui regarde l’existence concrète des humains. Intelligence contre l’homme. Intelligence pour l’homme. Elle n’est qu’un outil longuement compliqué et éprouvé : l’outil seul n’a jamais suffi à définir complètement le métier qui l’emploie ; la herse ne définit pas le travail du paysan.
Moralités légendaires (1887)
Sortie : 1887 (France). Essai, Recueil de nouvelles
livre de Jules Laforgue
Venantius a mis 4/10.
L'Ignorance (2003)
Sortie : 2003 (France). Roman
livre de Milan Kundera
Venantius a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Soulignons-le : Ulysse, le plus grand aventurier de tous les temps, est aussi le plus grand nostalgique. Il alla (sans grand plaisir) à la guerre de Troie où il resta dix ans. Puis il se hâta de retourner à son Ithaque natale mais les intrigues des dieux prolongèrent son périple d’abord de trois années bourrées d’événements les plus fantasques, puis de sept autres années qu’il passa, otage et amant, chez la déesse Calypso qui, amoureuse, ne le laissait pas partir de son île.
Au cinquième chant de L’Odyssée, Ulysse lui dit : “Tout sage qu’elle est, je sais qu’auprès de toi, Pénélope serait sans grandeur ni beauté… Et pourtant le seul vœu que chaque jour je fasse est de rentrer là-bas, de voir en mon logis la journée du retour !
[…] Homère glorifia la nostalgie par une couronne de laurier et stipula ainsi une hiérarchie morale des sentiments. Pénélope en occupe le sommet, très haut au-dessus de Calypso.
Calypso, ah, Calypso ! Je pense souvent à elle. Elle a aimé Ulysse. Ils ont vécu ensemble pendant sept ans durant. On ne sait pas pendant combien de temps Ulysse avait partagé le lit de Pénélope, mais certainement pas aussi longtemps. Pourtant on exalte la douleur de Pénélope et on se moque des pleurs de Calypso.
Les Épées (1948)
Sortie : 30 août 1948. Roman
livre de Roger Nimier
Venantius a mis 5/10.
Annotation :
« La vie est épouvantablement romanesque, disais-je. Il suffit de remuer un peu et ça ne tarit plus : vieilles adultères fanées, meurtres dans tous les coins, cendres et fonds de verre. Ça suppure et ça dure. »
Il faut une grande chance pour épargner à son existence tant de belles perspectives étagées. Remplacer la tragédie classique avec ses héros, ses flambeaux, ses colonnes, par une station de métro dans une capitale du XXe siècle : ses figurants,leurs yeux crevés, leurs vêtements blafards – le vrai drame. Les héros de tragédie souffrent et meurent, ils se reconnaissent, ils respirent leur climat, tout leur fait plaisir. Les stations de métro ne voient que des anonymes qui ne souffrent que de l’ennui.
Mais avec des yeux de tous les jours ces questions-là n’existent plus. On est tranquille, c’est-à-dire sincère, c’est-à-dire heureux, c’est-à-dire presque rien.
Un cyclone à la Jamaïque (1929)
A High Wind in Jamaica
Sortie : 1929. Roman
livre de Richard Hugues
Venantius a mis 8/10.
Annotation :
Being nearly four years old, she was certainly a child: and children are human (if one allows the term "human" a wide sense): but she had not altogether ceased to be a baby: and babies of course are not human—they are animals, and have a very ancient and ramified culture, as cats have, and fishes, and even snakes: the same in kind as these, but much more complicated and vivid, since babies are, after all, one of the most developed species of the lower vertebrates.
Les Deux Étendards (1951)
Sortie : 1951 (France). Roman
livre de Lucien Rebatet
Venantius a mis 9/10.
Annotation :
L’amour, feu central, avait embrasé cette matière inerte du passé, du présent, de l’avenir, du réel, de l’imaginé, que Michel portait au fond de lui ; l’amour l’avait fondue, et grâce à lui seul elle prendrait forme. L’amour serait célébré dans toutes ses délices et toutes ses infortunes. Mais le livre dirait aussi la quête de Dieu, les affres de l’artiste. La poésie, les secrets des vices, les monstres de la bêtise, la haine, la miséricorde, les bourgeois, les crépuscules, la rosée des matins de Pâques, les fleurs, l’encens, les venins, toute l’horreur de la vie et tout l’amour de la vie seraient broyés ensemble dans la cuve. Les modernes s’étaient forgé des instruments d’une perfection, d’une souplesse, d’une nouveauté admirables. Mais ils ne les employaient guère qu’à disséquer des rogatons, à décrire des snobismes, des démangeaisons du sexe, des nostalgies animales, des affaires d’argent, des anatomies de banquiers ou de perruches mondaines. Michel connaissait leurs scalpels, leurs microscopes, leurs introspections, leurs analyses, mais il s’évaderait des laboratoires. Le premier, il appliquerait cette science aux plus grandioses objets, à l’éternel conflit du Mal et du Bien, trop vaste pour ne point déborder les petits encéphales des physiologistes.