L'illusion de l'incarnation et de l'ordre social ?
Essai assez méconnu de Freud, surtout quand on le compare à son étude sur la psychanalyse qui lui a assuré une notoriété mondiale, L'AVENIR D'UNE ILLUSION s'emploie à démonter le mythe religieux par l'analyse freudienne. En à peu près cent pages, Freud nous fait part de son analyse quant à la structure du phénomène religieux, qu'il compare à un phénomène de refoulement appliqué à la société toute entière, dans la crainte de vulnérabilité face au chaos ambiant et la nécessité de se trouver des repères dans la figure divine, sorte de père symbolique dont on loue à la fois la vénération et la crainte. En cela, il rejoindrait presque Napoléon qui ne voyait pas "dans la religion le mystère de l'incarnation, mais le mystère de l'ordre social".
Le propos de Freud s'articule avec une sorte de dialogue avec un éventuel réfractaire avec ses idées, qui lui objecte différents arguments sur la nécessité du religieux, ne serait-ce que pour maintenir l'ordre social en bonne et due forme. A cela, Freud prend le pas sur son temps et annonce un déclin progressif du religieux sous l'effet de la science et qui elle même deviendrait une nouvelle source de croyance dans le progrès. La religion aurait fait son temps et il serait dès lors temps de rompre avec cette morale enfantine. A noter néanmoins que si Freud pense que la science va suppléer la religion par le progrès, elle ne fera pas non plus des miracles et ne se focalise pas comme une illusion en remplacement de la religion. Il achève sa démonstration par ces deux phrases bien senties et qui résument grosso modo sa pensée : "Non, notre science n'est pas une illusion. Mais ça serait une illusion de croire que nous puissions trouver ailleurs ce qu'elle ne peut nous donner".
Si le propos de Freud ne trouve pas de grands échos aujourd'hui (il y a quand même une tendance au renouveau religieux dans des sociétés pourtant sécularisées), l'essai reste quand même de qualité et a le mérite de critiquer ouvertement l'aliénation religieuse de manière claire et précise.
Les adeptes du psychanalyste approuveront, les autres n'y verront comme d'habitude qu'une énième provocation plus ou moins fondée...