Georges Duroy est un magnifique salaud à qui la vie sourit. Il est la délicate fiente d'oiseau qui vient se répandre sur les cheveux soyeux des femmes. Elles qui ne manquent jamais de le remercier pour sa tendre humanité. Il correspond parfaitement à tout ce que nos ami(e)s féministes d'aujourd'hui détestent. Il est un glorieux portrait du vice absolu : il est prétentieux, jaloux, ingrat, égocentrique, fat, mesquin, intrigant. il adore l'argent et par dessus tout il est infidèle mais le baron Du Roy de Cantel ose et ça marche. Et vous savez quoi ? Il a bien raison ! Je vais essayer de prendre la défense d'un enfoiré pour une fois.
Premièrement, il n'avait pratiquement rien à l'origine donc une promotion sociale était totalement légitime et c'est un sentiment parfaitement humain de vouloir gagner toujours plus et d'aller toujours plus haut quand l'occasion se présente comme en témoignent nos footballeurs aujourd'hui. Du jour au lendemain, on vous propose 3000 euros de plus sur votre salaire, vous acceptez, clairement, et moi aussi d'ailleurs. Les saints et autres esprits désintéressés ne sont plus trop à la mode de nos jours.
Deuxièmement, c'est le pouvoir en lui même et l'émulation qui en découle qui provoque l'orgueil chez ce fils de péquenots plutôt modeste et simple à l'origine. Faire partie du monde mesquin du journalisme et de la politique c'est inévitablement être amené à commettre des actes immoraux et à corrompre son âme. Son entourage fonctionne ainsi également (M. Walter, le ministre, Mme Forestier...). En outre, ce sont parfois les circonstances et non des actes calculés qui expliquent sa fulgurante ascension. Par exemple, l'épisode du duel est très révélateur de cette remarque puisque c'est son adversaire qui a provoqué l'affrontement de part ses calomnies incessantes et Duroy participe au duel à reculons.
Troisièmement, les femmes (dans l'ouvrage) sont toutes fascinées par lui, par son charme, par son culot et surtout par son ambition. C'est un moyen pour elles de sécuriser leur situation et de se maintenir dans les hautes sphères du pouvoir. Les femmes sont aussi fautives que lui dans l'affaire car elles l'encouragent et confortent son assurance en cédant à toutes ses supplications. M. Walter le fait remarquer très justement à sa femme à la fin de l’œuvre : "Tu l'attirais sans cesse, aussi, toi, tu le flattais, tu le cajolais, tu n'avais pas assez de chatteries pour lui". "Vous êtes toutes folles de lui, la Marelle, Suzanne et les autres".
Enfin même s'il s'agit bien d'une ordure on ne peut qu'admirer son talent et l'habilité de ses manœuvres. C'est un roué hors pair qui sait défendre ses intérêts et qui prend des risques. La fortune sourit aux audacieux. De plus on remarque qu'il suit la parfaite logique du "je profite de ma vie à fond" car je ne sais pas ce qu'il y a après la mort. En effet, son inquiétude la plus profonde est la peur de la mort. On le remarque notamment dans ses échanges avec Norbert de Varenne (le moraliste) et lorsqu'il rend visite à ce "cocu de Forestier" sur son lit de mort.
Dans tous les cas, Maupassant propose ici un roman très agréable, à la fois simple et raffiné dans l'écriture et qui met en scène subtilement la complexité des rapports humains dans des décors somptueusement décrits.