Ah, les Caraïbes ! les plages de sable chaud, la nature luxuriante, la nonchalance… Le titre pourrait suggérer l’attendrissement du voyageur de retour sur son île, comme Ulysse retrouvant Ithaque, plein d’usage et raison.
Mais c’est plutôt, dans ce poème qui rappelle souvent Rimbaud, Une Saison en enfer que convoque Césaire, où l’enfer serait la Martinique. À mille lieux de l’exotisme des robinsonnades ou de l’Exposition coloniale de la même époque, Césaire fait entendre un cri de révolte puissant contre la misère, le colonialisme et l’abandon où est reléguée cette petite île au bout du monde (qui est encore une colonie à l’époque, me semble-t-il), amputée de son passé et privée de perspective.
Il y a des pages très émouvantes, comme l’évocation de la captivité de Toussaint Louverture dans le désert blanc de sa prison, ou la description d’un ouvrier noir misérable et la honte ressentie par Césaire devant sa déshumanisation.
Mais il ne faudrait pas réduire le poème de Césaire à un pamphlet. Car c’est un chant d’une grande puissance mais aussi capable de faire ressentir toutes les émotions, et d’une musicalité qui permet de renouer avec un passé perdu, et suggérer une vision de l’humanité plus riche que celle véhiculée par l’Europe occidentale.