La danse des ombres intérieures
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"Au Nigeria, dans la cosmologie igbo, lorsqu'un enfant est dans le ventre de sa mère, il est façonné par des esprits qui déterminent son destin." Tiens, cela rappelle quelque chose, un (excellent) roman récemment traduit de Chigozie Obioma : La prière des oiseaux. Eau douce, la première fiction d'Akwaeke Emezi, part donc sur les mêmes bases mais son livre n'a absolument rien à voir avec celui de son compatriote. Ou alors ce serait sa version maléfique avec une narration assurée par les mauvais esprits qui habitent le corps de l'héroïne, Ada, et se marient tellement avec son moi profond que le lecteur lui-même n'a plus possibilité de savoir qui est responsable de ses actes. Eau douce n'est pas un livre pour âmes sensibles : il y est question de viol, de scarification, de suicide et de violences diverses, même si tout n'est pas toujours dit explicitement. Le roman est aussi chaotique que la fragmentation des pensées de son personnage principal qui se reflète sur ses actes, qui la font passer au mieux pour bizarre, au pire pour folle. Malgré quelques fulgurances et des passages très intenses, le livre, parait-il autobiographique en grande partie, se révèle insaisissable et souvent insoutenable par sa noirceur quasi permanente. Avec sa narration à hauteur d'esprit(s), Akwaeke Emezi (qui revendique une personnalité non-binaire) n'a pas choisi la facilité car les faits et gestes de Ada ne nous sont perceptibles qu'à travers un prisme déformant, comme si un voile nébuleux recouvrait ses actes alors que ses pensées, aussi contradictoires soient-elles, sont décortiquées jusqu'à plus soif. En s'éloignant du réalisme, la romancière courrait le risque d'écrire un ouvrage cérébral et conceptuel, peu déchiffrable et frustrant pour certains de ses lecteurs. Au moins peut-on lui accorder le courage d'avoir su rester fidèle à ses principes jusqu'au bout.
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Créée
le 7 mars 2020
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