Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : "Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués." Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.
Ces premières lignes plongent directement le lecteur dans l'atmosphère si particulière de cette œuvre. L'étranger, c'est l'histoire de Meursault, à la fois protagoniste et narrateur, qui semble dépourvu de tous sentiments - ou presque. Il lui arrive d'être content, il est très souvent ennuyé, parfois agacé, mais il est globalement assez vide et indifférent. Ainsi le récit est conté d'une manière assez sobre, avec des phrases courtes, les faits sont énoncés comme tels, sans mensonges ou artifices, ce qui rend la lecture très simple et abordable.
Lors de ma première lecture, il y a de cela deux ans, j'avais trouvé ce livre d'un ennui profond, parce que j'étais alors trop bête (ou simplement trop jeune) pour en comprendre le sens. J'avais écrit, entre autre, "Le roman est très court...et heureusement ! J'ai l'impression qu'il n'y a pas vraiment d'histoire derrière les paroles de Meursault." Je partage toujours en partie cet avis : je ne pense pas que ce que raconte Meursault ait vocation a être une histoire palpitante. On le suit à l'enterrement, à la plage, auprès de ses voisins, etc.. mais sans qu'il y ai quoique ce soit de marquant pour secouer sa routine - jusqu'au coup de feu, évidemment.
"Le livre amène plus, je pense, à avoir une réflexion sur le personnage en lui même, qui est pour le moins spécial." avais-je écrit. Encore une fois, je suis d'accord avec la moi-du-passé : je pense toujours que Camus amène avec l'Etranger une réflexion sur le personnage de Meursault et sa vision de la vie plutôt que sur sa vie en temps que telle. "Tout le monde sait que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue" nous dit le protagoniste, alors sur le point de se faire exécuter. Dans ce livre, on suit un personnage qui ne vit ni pour les autres, ni pour lui même ; il vit parce qu'il est né, il vit parce qu'il le faut bien, mais il ne croit en rien, ni en un dieu ni en une vie meilleure. L'étranger, c'est Meursault : étranger au monde, étranger aux autres, étranger à lui même.
Un livre à lire et à relire !