L'Étranger
7.7
L'Étranger

livre de Albert Camus (1942)

L’Homme Vide et Son Triomphe Funéraire

On nous présente ce livre comme une œuvre de révolte, une gifle à la face des conventions. Mais quelle révolte ? Je n’y vois qu’un enterrement, et pas seulement celui de la mère du héros. « L’Étranger » est une cérémonie funéraire d’un autre genre : celle d’un homme qui a cessé d’exister avant même que la mort ne l’atteigne.


Meursault n’est pas un insoumis, c’est un spectre. Il ne lutte pas, il ne crée pas, il ne veut pas. Il laisse les événements se poser sur lui comme la poussière sur un meuble oublié. Camus, dans sa grande générosité, lui offre même une exécution, une fin "acceptée", une dernière pose pour lui donner une apparence de grandeur. Mais derrière cette mascarade, il n’y a rien. Rien que le vide, l’inaction sacralisée, la résignation érigée en vertu.


L’époque acclame Meursault parce qu’elle se reconnaît en lui. L’homme moderne, gavé d’opinions sans conséquences, asphyxié par son confort, ne cherche plus la grandeur mais une justification à son propre renoncement. Il voit en Meursault un modèle non pas parce qu’il est libre, mais parce qu’il s’est abandonné avec une indifférence qui flatte sa propre lâcheté.


La littérature, jadis forge des âmes ardentes, se contente maintenant de polir des miroirs pour que chacun puisse s’y contempler sans honte. « L’Étranger » est une grande œuvre, mais elle est grande comme une pierre tombale : massive, imposante, et tristement définitive.



Antidemagogue
6
Écrit par

Créée

le 4 févr. 2025

Critique lue 7 fois

Antidemagogue

Écrit par

Critique lue 7 fois

D'autres avis sur L'Étranger

L'Étranger
Ze_Big_Nowhere
8

" L'étranger " pour les nuls

« Aujourd'hui, maman est morte. » lâche Meursault modeste employé de bureau à la joie de vivre digne d'un album de Barbara et au sourire aussi expressif qu'un Michel Sardou entonnant pour la...

le 14 août 2014

129 j'aime

12

L'Étranger
Tom_Ab
10

J'en pleure encore....

Aujourd'hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais plus. Probablement une des phrases d'introduction les plus célèbres - on ne compte plus les romans français et étrangers qui ont copié et...

le 4 août 2013

116 j'aime

13

L'Étranger
TheMyopist
8

Nous sommes-nous déjà vus ?

"L'étranger", c'est le portrait d'un Indifférent, d'un de ces hommes qui vit, mais pas pour lui, pas pour les autres non plus. Il est juste là, agissant au gré de l'instant, se laissant porter par...

le 11 déc. 2012

93 j'aime

8

Du même critique

Sur les cimes du désespoir
Antidemagogue
3

Le Nihilisme Comme Stratégie de marque

Il existe des livres dont on dit qu’ils vous marquent à vie. Sur les cimes du désespoir prétend en être un. Il a tout pour : un titre grandiloquent, un auteur jeune et maudit, une prose ciselée à...

le 4 févr. 2025

Ainsi parlait Zarathoustra
Antidemagogue
8

La Symphonie du Dépassement et ses Fausses Notes

Il est des livres qui ne se lisent pas, mais qui se traversent, comme un désert où chaque pas brûle les pieds. Ainsi parlait Zarathoustra appartient à cette catégorie rare d’œuvres qui ne racontent...

le 4 févr. 2025

Bruits
Antidemagogue
3

La Grande Partition du Vide

Il faudrait peut-être commencer par là : Jacques Attali est un illusionniste. Son art ? Donner l’apparence du savoir absolu en noyant son lecteur sous une avalanche de références. Bruits déroge pas...

le 4 févr. 2025