Tout au long de mes pérégrinations, j'avais vu briller ce titre d'une lueur mystérieuse et attirante. Je parle du récit extraordinaire d'Alain Damasio, "La Horde du Contrevent"


Parce qu'Alain Damasio, doté d'une grande virtuosité, donne la parole à 23 narrateurs en les différenciant par 23 styles d'expression différente et par un symbole typographique de leur identité. Heureux que nous sommes, misérables lecteurs, Gallimard a enrichi son Folio d'un marque-page avec les symboles des 23 membres de la troupe.
Parce que l'auteur invente pour le roman un vocabulaire et un système complexe de notation du vent en utilisant les signes de ponctuation pour en décrire rythme et variations.
Parce que l'exigence littéraire d'Alain Damasio rebute le lecteur par l'austérité, la complexité des termes techniques, les néologismes, les symboles typographiques, les ellipses, les joutes verbales, les palindromes, seuls quelques valeureux lecteurs arriveront au bout du récit.


Ce livre n'est que du vent….oui ! Il nous entraine dans une quête absurde : remonter jusqu'à l'origine, en découvrir la source c.à.d. "L'Extrême-Amont", C'est le but ultime de cette odyssée pédestre des Hordes successives, partir conquérir une terre balayée d'amont vers l'aval par des vents de face violents, dépasser des villages dévastés par des furvents, ces tempêtes incroyables qui ne laissent que survivants sans abri et sans ressources.


Aberlaas, la capitale est à l'Extrême-Aval. L'Amont est connu jusqu'à un certain point. Depuis huit siècles, les Hordes, malgré une préparation rigoureuse, quittent l'Aval durant leur enfance et marchent pendant des années vers l'Amont, meurent ou disparaissent avant d'en avoir atteint le bord. Elles progressent d'ouest en est, le long d'une longue bande de terre, seule région habitable entre des zones recouvertes de glaces. le long de cet axe Amont-Aval se dressent des villages et des cités où vivent des Abrités (habitants des villes) et des Obliques (pirates) et des Fréoles (utilisateurs de machines qui naviguent à contrevent).


Le récit s'applique à nous conter la 34e Horde, menée par son Traceur, le 9e Golgoth qui entraîne dans son sillage, 22 autres conquérants ayant chacun leur spécialité : scribe, aéromaîtresse, troubadour, feuleuse, botaniste, prince, protecteur, sourcière, fauconnier , etc ... Ils s'organisent, tous différents mais tous unis, forment une Horde autonome et solidaire pour avancer et contrer le vent. La Bande de contre s'écrit également en descriptions inconnues, fer, pack et croc, ce qui participe à en façonner un personnage à part entière. Depuis 28 ans, elle est caressée, sculptée, façonnée par tout ce qu'Eole peut transporter en air, poussière, sable et autres éléments.


« La Horde du Contrevent » est le type de roman qui fait peur lorsqu'on commence à le lire.
La lecture est ardue, brute, additionnée d'une pagination inversée , de glyphes qui oblige le lecteur à contrer, virer, s'arc bouter à la lecture et devenir, malgré lui, l'un de ses membres.


Le récit n'est que mouvance, changeant du scribe au troubadour, du traceur à l'aéromaitre, du prince à la feuleuse... Une collection de voix illustrant toutes les caractéristiques de la Horde, additionné d'un vocabulaire spécifique à cet univers avec lois, coutumes, code d'honneur, patrimoine, espoirs et idéaux. Une expérience complète car le lecteur entre dans les pensées de chacun des membres que constitue cette formation d'élite, personnages attachants et charismatiques.
Le lecteur sera souvent dépassé par tout ce qui touche au vent puisque le principal souci de la Horde est de réussir à en comprendre les 9 différentes formes ainsi que le vif et ses propriétés, les sortilèges des chrones, facteurs fantastiques du livre.


Un roman difficile à lire et l'un des plus fascinants. « La Horde du Contrevent » ne peut pas se raconter, il ne peut que se lire. Car il est sans conteste l'un des récits les plus extravagants que vous lirez, l'une des aventures les plus humaines, les plus épiques, les plus vibrantes que vous vivrez. Et de finalement comprendre que l'important n'est pas la destination, c'est le voyage.

verobleue
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le 30 déc. 2015

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