Je ne suis pas de ceux qui s'extasient sur une oeuvre au prétexte qu'elle est précoce. Oui, Carson Mc Cullers n'avait que 23 ans lorsque son roman a été publié mais en un sens ça se sent, notamment dans la tonalité qui n'est pas sans évoquer une forme de noirceur post-adolescente.
La pauvreté, le racisme, la soumission - ou non - à ce que l'on considère être sa destinée, sont les thèmes universels et intemporels qui constituent la charpente du récit mais je n'ai pas trouvé le traitement de ces thèmes particulièrement novateur ou déroutant.
McCullers expose les quêtes et les aspirations de ses personnages, très différentes du fait de leur sexe, de leur âge, de leur couleur de peau, de leur parcours de vie et de leur idéologie, mais pour ne les mener qu'à une seule et même voie sans issue. Tous gravitent et convergent vers John Singer, un énigmatique sourd-muet, comme on vient se réchauffer les mains auprès d'un foyer et pourtant cette focale commune ne le leur permet pas de se rencontrer car ils ne font que prendre et sans doute abuser de la capacité d'écoute d'un homme condamné à ne pouvoir leur répondre. L'auteure crée donc une sorte de polyphonie mais à sens unique au sein de laquelle le lecteur a bien du mal à sentir le sien de coeur se réchauffer ou s'émouvoir.
Il a bien quelques touches très réussies dans lesquelles pointe le talent de Mc Cullers, la qualité d'amitié que John Singer éprouve pour son ami Grec, sourd-muet comme lui mais dont il est séparé en raison de l'état psychiatrique de ce dernier, la passion que la jeune Mick voue à la grande musique et surtout l'ambiance de nuit un peu Edward Hopper du "dinner" tenu par Biff.
Mais globalement on referme ce livre avec un sentiment d'inachevé.
Je vous laisse donc trancher.
Amitiés,
Dustinette