Ils viennent nous apprendre les bonnes manières, mais il ne pourront pas le faire, parce que nous sommes des dieux.
Un dernier chef-d’œuvre classique avant la rentrée : le Guépard ou le récit de la déliquescence sang et or de l’aristocratie sicilienne à l’heure du Risorgimento. Impossible de faire le tour en quelques mots de ce roman aux personnages sublimes, à commencer par le « Guépard » Salina, patriarche regardant le pouvoir et la grandeur de sa famille lui échapper comme du sable entre ses doigts, de son atmosphère lourde comme le soleil de Sicile, de sa sensualité veloutée qui est celle des pêches de la fin de l’été, de sa clairvoyance sardonique (qui excède la dimension en apparence réactionnaire de ce chant du cygne de l’ancien régime) sur la façon dont l’Histoire digère les espoirs révolutionnaires - le célèbre « il faut que tout change pour que rien ne change ».
Extraordinaire crépuscule des dieux ou se mêlent l’orgueil, la lucidité et les derniers soubresauts de volupté de cette caste de seigneurs, le tout dans une belle traduction cadencée de Jean-Paul Manganaro.
Léger bémol en marge du texte : l’édition Points ne contient aucune note permettant de se repérer dans le contexte historique. Pour qui n’aurait aucune notion de l’histoire de la réunification de l’Italie, il vaut sans doute mieux réviser un bon coup avant car l’accès au texte risque d’être difficile sinon.