Ça a débuté comme ça. Moi, j'avais jamais rien dit. Rien. C'est Arthur
Ganate qui m'a fait parler. Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi,
un camarade. On se rencontre donc place Clichy. C'était après le
déjeuner. Il veut me parler.
Vous vous rappelez ??? Le début de Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline !!! Ben, avant que ça débute comme ça, il y a eu Mort à crédit, enfin du moins dans l'ordre chronologique de l'histoire de Ferdinand Bardamu ou de Louis-Ferdinand Céline ou des deux. Il y a l'enfance du narrateur à coup de taloches et de parents commerçants-fonctionnaire toujours sur la corde raide niveau finances, les petits boulots minables, en tant que commis dans un magasin qui avait bien compris avant l'heure que les stagiaires étaient les esclaves des temps modernes, en tant que représentant en bijoux qui ne valent que dalle, petit tour dans un pensionnat anglais tout aussi minable, quête pénible et minable de la recherche d'un emploi avant de devenir l'assistant d'un scientifique escroc et addict au jeu encore plus minable que le reste. Seuls rayons de soleil, le grand-mère Charlotte et l'oncle Edouard. Voilà...
Du point de suspension, en voulez-vous en voilà ... ... ... ..., un style qui s'affirme encore plus que dans le Voyage, qui rentre encore plus profond dans le sordide, dans le scatophile, dans le sang, dans le vomi, dans le sperme, avec des mots encore plus métamorphosés, des phrases plus épurées, plus tranchantes. Céline ne s'épargne pas et n'épargne personne.
- Dis donc je laisse ma porte ouverte !... Si t'as besoin de quelque chose aie pas peur d'appeler !... C'est pas une honte d'être malade...
J'arriverai immédiatement !... Si t'as encore la colique tu sais où
sont les cabinets ?... C'est le petit couloir qu'est à gauche !... Te
trompe pas pour l'escalier !... Y a la "Pigeon" sur la console...
T'auras pas besoin de la souffler... Et puis si t'as envie de vomir...
t'aimes pas mieux un vase de nuit ?...
- Oh ! non mon oncle... J'irai là-bas...
- Bon ! Mais alors si tu te lèves passe-toi tout de suite un pardessus ! Tape dans le tas ! n'importe lequel... Dans le couloir t'attraperais
la crève... C'est pas les pardessus qui manquent !...
- Non mon oncle.