Pensez comme cette critique vous dit de penser.

N'avez vous jamais eu cette drôle d'impression que ce n'était pas réellement vous qui étiez aux commandes de votre existence? En général, ça vous prend de bon matin, avec un réveil qui vous dit de vous lever. Vous enchaînez avec la radio ou la télé du matin, qui vous dit ce qu'il faudra voter aux prochaines élections, quoi voir, quoi manger, quoi lire et même quoi acheter. Dans le bus ou dans le métro, des annonces vous disent de vous calmer, à moins que vous ne preniez la voiture, auquel cas de sinistres inconnus vous dirons comment conduire et quoi penser de la vie sexuelle cachée de votre conjoint. On enchaine avec des profs ou des patrons qui vous disent ce que vous devez faire, des amis qui vous disent ce que vous devriez faire, quels sont les ajouts qu'il vous faudra prochainement entreprendre pour votre garde-robe... il se peut même que cela s'étende à la vision du bonheur que vous êtes en devoir de chercher, à savoir un amour fou avec qui vous vous marierez et aurez deux enfants, une maison, un chien et deux voitures. Vous savez, comme dans les pubs...


Oh bien sûr il y a une raison à cela, qui tient en ces quelques mots magiques : c'est-pour-votre-bien! Car tout est tellement mieux lorsque l'on se soucie pour vous de ce qu'il faut que vous fassiez pour être heureux! Il ne faudrait surtout pas que vos envies et votre personnalité vous fasse commettre de regrettables erreurs... si vous avez frissonné, je suis au regret de vous annoncer que vous n'êtes pas au bout de vos peines. Bienvenue dans l'univers, carré comme une cellule de prison, de "Nous Autres".


Dans cette société qui a édifié la raison en divinité, tout est rationalisé à l'extrême. On sent que le livre fut sans doute de ceux qui inspirèrent son Alpha-Ville à Godard : chacun doit s'y plier au système logique fait "pour le bien de tous". C'en est au point où le héros n'en est pas vraiment un, tant on sent qu'il tourne en rond, sans possibilité réelle d'émancipation ou de révolte dans cet univers. Personne n'y a le choix sur quoique ce soit : même la vie sexuelle se fait sous forme de formulaires à remplir pour "demander" l'autre... et on ne peut en aucun cas refuser une demande. Du livre se dégage un sentiment atroce de factice : tout y est fait pour exacerber une fausse impression de joie, avec des défilés tout sourires et des phrases standardisées à souhait.


Et si vous imaginiez que ce n'était pas bien grave, puisque tout allait bien se finir, je vous annonce d'une que vous êtes prit dans les standards des romans qui vont des contes pour enfants aux films américains, et de deux que "Nous Autres" est l'une des meilleures dystopies que je connaisse précisément pour cela.


Pour le fait que, bien que le libre-arbitre y soit déjà pratiquement abolie, la société décide d'aller plus loin encore. Au dernier chapitre, le héros ne s'exprime plus que par des phrases courtes et lisses, sans émotion. Les habitants subissent en masse une ablation de certaines parties du cerveau, les réduisant à l'état de machines.


Mais il y a, à mon sens, un autre souci, qui fait qu'aujourd'hui encore, j'hurle de terreur chaque fois que je repense à ce livre. Les dystopies se définissent comme un grossissement d'une situation actuelle, jusqu'à ce que sa monstruosité en fasse un cri d'alarme. Repensez à votre réveil ce matin, au travail que vous faites tous les jours, à ces gens que vous fréquentez à longueur de journée. Posez vous la question. Quelle est la situation que 'Nous Autres' s'emploie à grossir?

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le 7 févr. 2017

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Pulsar

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