Diantre ! Quitter le XIXème siècle de Gogol, Tolstoi ou encore Tchékhov et entrer de plein pied dans le XXème siècle russe avec Zamiatine est un exercice rupturiste.
Rien à voir dans le format, le fond ou encore le style.
Alors Nous autres mérite-t-il sa place dans ma liste sur la littérature russe ?
En quoi est-ce de la littérature russe ?
Dans ce livre, Evguéni Zamiatine nous parle avant tout de sa Russie léniniste. Mais il est clair que 1984 (Orwell) ou Le meilleur des mondes (Huxley) n'en sont pas pour autant de la littérature russe !
Il est donc difficile de faire un raccourci entre dystopie et littérature russe sur ce plan.
Pour autant, l'Humanisme et la Religion - deux des thèmes chers à Dostoïevski ou Gogol - sont bien au centre du roman. Ils sont en évidente opposition à la vision totalitariste de Lénine (puis Staline que cotoiera l'auteur). Le livre est donc de ce point de vue le digne héritier d'une longue tradition.
Par ailleurs, une idée plus originale concerne la Révolution. Dans son livre et dès 1920, Evguéni Zamiatine projette un système politique qui réduira en poussière les espérances que la République socialiste soviétique de 1918 avait fait naitre.
Ce que j'ai appris de l'Histoire ou de la Géographie de la Russie
Disons le simplement : Nous autres n'est d'aucun enseignement sur la géographie de la Russie et de bien peu sur l'histoire du pays. Et encore faut-il tirer bien fort les cheveux pour réaliser un parallèle entre Zamiatine - superviseur de construction de navires - et D-503 - bâtisseur de vaisseau spatial : les dénominations des protagonistes du roman sont en fait des pièces d'un brise glace bien réel nommé Alexandre Nevski.
Et quand bien même la révolte du livre de 1920 sonne proche de celle du Cuirassé Potemkine de 1905, la comparaison n'est pas évoquée dans le roman.
Ce que j'ai aimé, ou pas...
A l'opposé des écrits de Tolstoi ou Dostoïevski, Nous autres est un livre nerveux et novateur dans sa forme.
Mais il faut bien reconnaitre qu'il n'est pas écrit de manière extraordinaire. Le scénario en devient même parfois loufoque (à la Brazil) au risque du ridicule.
Découvrir ce roman, c'est un peu réaliser l'exégèse des dystopies du XXème siècle.
1984, Le meilleur des mondes et tant d'autres ne sont que des déclinaisons d'un récit qui aura fait la synthèse de la critique du totalitarisme, que ce soit celui de Lénine, de Staline ou de Big brothers futuristes.
Bref, une oeuvre qui - si elle n'a pas le talent d'écriture de ses successeuses - en a au moins autant la portée historique et humaniste !
Et permet de faire connaissance avec la littérature de la Russie du XXème siècle, si différente de celle du siècle doré précédent.