Dans ce roman préhistorique et savant, nous nous situons en Afrique, du côté de la vallée du Grand Rift, berceau de l'humanité, entre Kilimandjaro et Rwenzori, entre 700000 BC et 500000 BC, la fin du Pléistocène avant d'entrer dans le Paléolithique…
C'est un moment important pour l'homme qui abandonne la vie dans les arbres et va passer du statut erectus (pithécanthrope) au statut sapiens.
Roy Lewis nous fait vivre cette étape essentielle pour l'humanité, dans un roman très sérieux qui démontrerait que ce qui caractérise l'homme aujourd'hui n'est finalement pas si différent de ce qui le caractérisait à cette époque lointaine.
Tiens, par exemple, l'invention du feu. Eh bien, on a enfin l'explication. JH Rosny Aîné, va te coucher avec ta "guerre du feu" ! Édouard, le Geo Trouvetou de l'époque, a l'idée d'aller prendre des brandons enflammés sur le volcan en activité pour un usage domestique et enfin pérenniser la vie au sol et non plus dans les arbres. Bon d'accord, il y a, comme aujourd'hui, les réactionnaires (les écolos de l'époque en quelque sorte !) qui crient au fou devant le danger de vivre au sol, de manger de la barbaque fraîche (et non faisandée, plus facile à digérer) cuite au feu de bois, de ne plus être protégé des prédateurs nombreux et surtout de ne pas mesurer les risques du feu. C'est le frère d'Édouard, Oncle Vania, qui est le chef de file des réac, qui prône le "back to the trees" mais qui finalement ne crachera pas devant une côte de phacochère bien juteuse et cuite juste à point.
Un roman qui met à l'ordre du jour les grandes questions pour, par exemple, trouver les bonnes pratiques pour éviter les risques de consanguinité. Le droit de la femme, on y pensait déjà à l'époque. Et on y découvre que les femmes étaient déjà très douées pour faire courir les hommes. Dingue, quoi !
C'est Ernest, le fils d'Édouard, qui raconte la vie excitante de cette famille où tout le monde travaille au progrès. Un des frères, artiste dans l'âme, se sent des aptitudes pour le dessin des ombres des animaux qu'il effectue sur les parois rocheuses à l'extérieur parce que, sans éclairage, c'est pas possible dans les grottes …
Et le langage ! Le langage est très évolué avec les concepts modernes de capitalisme, d'échanges commerciaux, de situation de monopole, … Quand même ! Par exemple, ce slogan "de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace" qu'on attribue habituellement à Danton. Eh bien j'ai découvert que ce dernier ne faisait que répéter ce qui se disait déjà à l'époque (et qui a dû se propager de bouche à oreille puisqu'il n'y avait pas d'écrit ^^) … Un monde, quand même !
Roman jubilatoire et qu'on lit avec grand plaisir, le sourire aux lèvres en permanence … On peut quand même saluer l'objectivité de l'auteur qui montre aussi qu'Édouard dans sa démesure progressiste fait aussi des conneries en faisant flamber toute la campagne obligeant la tribu à émigrer dans une autre région. Mais c'est bien là le destin de l'homme qui ne progressera bien souvent qu'à partir de ses erreurs.