Avec une écriture poétique et épurée, Varlam Chalamov nous livre un témoignage bouleversant des camps de la Kolyma, lui qui a vécu cette « école négative de la vie ». Plusieurs nouvelles écrites à la première personne du singulier du point de vue des victimes de la répression stalinienne nous plongent dans le quotidien du Goulag.
Sans tomber dans le pathos ou la surenchère émotionnelle, Chalamov décrit avec simplicité et lyrisme l’horreur et l’atrocité des camps de travail, la déshumanisation rapide de ses détenus. Rapidement, ils perdent leur vocabulaire, leur générosité, leur envie de vivre, pour n’être plus que des êtres brisés, qui survivent au jour le jour, et finissent par ne ressentir que de l’indifférence à la douleur constante, au froid terrible et à la faim lancinante. L’idée même de la mort ne semble leur faire peur, pire, elle paraît enviable.
Au milieu de cette mosaïque des atrocités, quelques vers pourtant semblent se démarquer, et décrivent les rares beautés de la Kolyma, au-delà des monstruosités humaines. Si sur le moment aucun détenu ne semble capable d’y voir un charme, tant leur expérience est celle d’un anéantissement, rétrospectivement, Chalamov a su en percevoir des splendeurs : « Non, il n'est pas seulement le prophète du temps. Le pin nain est l'arbre de l'espoir : c'est l'unique arbre à feuilles persistantes de tout le Grand Nord. Dans la neige blanche étincelante, sa ramure d'aiguilles vert mat raconte le Sud, la chaleur, la vie »