Un an après Colline et cinq années avant Que ma joie demeure, Jean Giono écrit un autre roman dans son style si spécifique :
- des éléments de langage typique du "parler rural" du début du XXème siècle,
- l'omniprésence de la rudesse de la Nature,
- des relations humaines simples et franches,
- des valeurs humanistes salvatrices qui érigent les individus en cœurs vaillants.
-Tu sais pas ? qu'il dit. Je voudrais te demander quelque chose. Je peux pas en payant, mais je te le revaudrai. Donne-moi une tranche de ce pain. [...]
-Prends-le tout, alors, dit Alphonsine.
De voir qu'on lui donne tout, ça lui fait douleur, ça lui fait cligner les yeux comme s'il mâchait du laurier.
-Je te le revaudrai.
-T'as qu'à faire ça si tu veux qu'on se fâche.
A chaque fois, il n'en faut pas beaucoup à Giono pour mettre en place son petit monde :
- 150 pages à lire quasiment d'une traite,
- 2 ou 3 personnages rocambolesques,
- une intrigue sincère et linéaire,
- un regard bienveillant mais sans concession sur l'humanité.
Et toujours cette nature oppressante, sauvage, animale.
Le vent soulève le ciel comme une mer.
Il le fait bouillonner et noircir,
il le fait écumer comme les montagnes.
Point de héros.
Nulle perfection.
Et tous les protagonistes de se dépatouiller avec leurs limites, qu'elles soient intellectuelles ou physiques.
Définitivement, chacun y sera évoqué tel qu'en lui-même.
Au final, un récit quelque peu étrange tant la gentrification de notre société a quasiment fait disparaitre cette culture rurale, faite d'autosuffisance alimentaire mais aussi de misère et de violence.
Ce n'est peut-être pas l'oeuvre la plus forte, ni la plus spirituelle de Jean Giono.
Mais c'est à coup sûr un livre qui réchauffe le cœur, grâce à son caractère à la fois brut et tendre. Et sans doute aussi grâce à un zeste de naïveté.