Un des livres les plus représentatifs de l'univers modianesque, Rue des boutiques obscures remonte l'hypothétique passé d'un narrateur amnésique, qui effectue une véritable enquête à partir d'une photo retrouvée où il identifie un homme, Pedro Mc Evoy, qui pourrait être lui.
C'est le puzzle d'une époque, d'un cercle de personnages aux prises avec les tumultes de l'Histoire qui est peu à peu reconstitué. Le narrateur retrouve la trace des amis de Pedro, débrouille avec eux les fils du passé et l'entrelacs des relations et des sentiments. Il finit par aboutir à l'événement majeur de la vie de Pedro, qui fut la fuite pendant la 2de Guerre Mondiale à Megève pour échapper au Paris occupé.
Le talent de Modiano réside dans la construction de cet écheveau de rencontres de personnages opaques, un peu perdus, qui semblent en dehors du temps et du monde, qui tous renvoient à la propre difficulté du narrateur de se situer lui-même dans le monde. Rue des Boutiques Obscures ce sont des personnages et aussi des ambiances : les errances dans les rues de Paris, les évocations du passé forcément lacunaires, les incertitudes et les hésitations sur qui on est.
Écrit dans un style sobre, sans grands effets, ce roman qui démarre un peu difficilement, envoûte peu à peu par ce climat brumeux et par l'emprise de la mémoire, aussi lacunaire soit-elle, sur le présent.
Interrogation et réflexion sur l'identité, sur sa place dans le monde et vis-à-vis des vicissitudes de l'Histoire, il renvoie sans cesse à la question des origines, le livres se terminant sur la nécessité pour le narrateur de se rendre Rue de Boutiques Obscures à Rome, dans l'ancien ghetto juif.