La thématique principale de « Soumission » doit être identifiée en tant que crise de foi chrétienne de l'Occident et non comme un brulot anti-Islam, comme on a pu l'entendre ici et là dans l'horizon médiatique.
Alors, si ce récit d'anticipation relate la prise de pouvoir pacifique de l'Europe par la civilisation arabe, Houellebecq pointe du doigt des raisons économiques, mais surtout mystiques. Dans son esprit, ce qui mine principalement l'Occident, c'est la disparition progressive de la chrétienté dans nos contrées. Autrefois, l'Eglise était encore associée à l'Etat et participait activement (pour un bien ou pour un mal, je ne suis pas là pour juger mais plutôt pour interpréter un point de vue) aux prises de décisions politiques et par là même à l'orientation de la société tout entière.
Ainsi, le héros dépressif-blasé de tout, désormais archétype des romans de Houellebecq, reprend du service. Par contre, l'auteur a trouvé un motif à son désoeuvrement aigu. La consommation capitaliste pour seul but ne peut qu'aboutir à l'insatisfaction perpétuelle. Sa nature divine évanouie, l'occidental traîne donc sa condition capitaliste telle un boulet dans son sillage.
Le héros en question revêt ici les traits d'un professeur d'université, n'aimant pas tellement enseigner et devant son poste à une thèse brillante sur Joris-Karl Huysmans.
Quand la prise de pouvoir en France par le parti musulman est actée, on lui propose de conserver son poste moyennant une revalorisation salariale substantielle, à condition qu'il se convertisse à l'Islam.
Il décide néanmoins de temporiser sa décision et de s'octroyer une retraite méditative à l'abbaye de Ligugé comme le fit jadis son idole Huysmans. Une tentative d'accéder à la foi catholique qui se révélera infructueuse, peut-être et surtout en raison de sa cécité spirituelle rédhibitoire.
Si bien, qu'il finit par se convertir à l'Islam, sans la moindre conviction religieuse, pour pouvoir prolonger une activité qui lui procure pourtant bien peu d'agrément.
Tout cela est bien entendu à considérer comme une fable, car, si Houellebecq est à l'aise dans de multiples domaines, on sent qu'il tâtonne lorsqu'il s'agit de décrire des enjeux politiques. Vulgarisée, réductrice et par conséquent fort peu réaliste, on ne croit pas une seconde à cette projection « anticipatrice ». Fort heureusement, cette description politique boiteuse sert surtout de toile de fond au vrai thème du livre, la crise mystique de l'Occident.
Le style assez coulé contribue au plaisir de lecture, surtout qu'il s'avère moins artificiel que celui de « La carte et le territoire ». Probablement pas un Houellebecq majeur cependant. L'auteur vieillit comme tout un chacun, il n'empêche que je lui préférais sa verve d'antan, car son cynisme souvent salvateur a laissé place ici à une résignation un peu tristounette, nettement moins jouissive.
Même s'il conserve sa patte inimitable, et si d'aucuns trouveront son style désormais plus affiné, je le trouve pour ma part plus conventionnel.
Par conséquent, si j'ai apprécié l'ouvrage dans son ensemble, je suis resté un peu sur ma faim. J'espère donc qu'à l'avenir il nous offrira quelque chose de plus consistant, de plus surprenant comme il avait l'habitude de le faire à ses débuts.