Il n'y a pas d'humour heureux.
Finalement, Aragon parle de beaucoup de choses dans son "Traité du Style" à part peut-être du style. Car le style ne s'explique pas, il se montre. Et là, Louis s'en donne à cœur joie, rivetant avec une poigne de génie à tout jamais le sens et l'expression.
Nous sommes quelques années à peine après la naissance officielle du Surréalisme : Aragon est encore comme un jeune chien fou dans un jeu de quille. Il tire, comment dit-on déjà ? à boulet rouge, c'est ça ! Oh oui, le rouge est mis… Bourgeois, journalistes, académiciens, militaires, curés, tous les bien-pensant sont visés, tous les peine-à-jouir sont dans sa ligne de mire. Insultes, horions, lazzis, il pleut comme vache qui pisse. Louis frappe d'estoc et de taille, Louis fonce dans le tas toujours plus gros de tous ces médiocres si contents d'eux. Une seule arme, la meilleure : l'éclat de rire, façon obus qui pète. Pile dans leur face. Prendre la parole par tous les trous, pour les faire taire, eux. Portrait de l'artiste en human bomb, pour que d'indignation, enfin, l'ennemi s'étouffe sans espoir de retour. Du bon usage de la provocation.
On pourrait dire à tous ceux qui doutent encore que le plus grand styliste du XXe siècle c'est lui, tous ceux qui trop pressés ou trop indifférents n'ouvriront jamais Aurélien ou les Voyageurs de l'Impériale pour s'en convaincre, d'aller jeter un œil à ce traité de bave et d'indignation qui transforme l'art du pamphlet en art poétique. Juste pour voir ce qu'un virtuose peut faire avec des mots. Pas pour l'en mieux aimer, par pour eux aussi l'encenser, juste pour le plaisir de voir. On pourrait, oui… sauf qu'on s'en fout, en fait. Le prosélytisme étant encore de toutes les vulgarités la pire.