1960.
La France s’accroche à ses colonies et entend bien les conserver grâce à la puissance de ses services secrets, les meilleurs et les plus efficaces du monde. Le jeune André Merlaux (Hugo Becker, parfait en jeune premier typique des sixties) est recruté en tant que stagiaire et découvre en même temps que nous, les rouages de cette machine qui finalement n’a pas grand chose à voir avec ce à quoi l’on peut s’attendre : véritable machine bureaucratique où tout est contrôlé par des formulaires tamponnés et même double tamponnés. C’est également, une photographie de la France des années 1960 qui nous est donnée à voir : une France qui se trouve à un tournant, coincée entre tradition et conservatisme mais parcourue également par les premiers frissons du changement.
Donc voilà.
Moi, ce qui m’a donné envie de rencontrer ASF, c’est qu’on me l’avait présenté comme un OSS 117 mais en série. Et moi, OSS 117, je kiffe. Donc, on va dire que j’y allais déjà un peu conquise me disant que ASF allait sûrement devenir mon bon ami ! Alors effectivement, c’est bien devenu mon bon ami mais je dirais que l’on m’a un peu menti sur la marchandise. Parce que le coco, c’est un cousin éloigné de OSS et non pas un héritier.
Alors, ouais, on retrouve bien l’idée générale du truc : critiquer le passé colonialiste de la France, une France sûre d’elle peu consciente du fait qu’elle n’est plus la puissance qu’elle a pu être. Dans au service de la France, on retrouve bien cette volonté de dérision d’un passé pas vraiment glorieux : la décolonisation, l’état d’esprit conservateur, misogyne, raciste. En commun également, une forme d’humour absurde : voyez vous-même avec ce morceau choisi qui personnellement m’a faite mourir de rire :
Calot : Il y a Allemand et Allemand. Allemand de l’ouest et Allemand de l’est. Allemand ami et Allemand ennemi. Mais tous ces Allemands sont Allemands. Qu’ils soient Allemands ou Allemands.
Toutefois, à la différence d’un OSS où en fait, seul Bonnisseur de la Bath, cristallisant à lui seul les travers d’une époque, caricature du Français dans ses plus mauvais côtés, est l’objet de moqueries, dans ASF, le rire et l’humour viennent du décalage entre un Merlaux, jeune candide, et le reste de ses collègues, dont le comportement raciste et macho est la norme. Son personnage sert également de la loupe, mettant en valeur le décalage entre la vie rêvée d’espion et une réalité bureaucratique assez triviale (fermeture des services à 17h pétantes etc… )
Moïse : Qu’est-ce qui vous a pris de répondre au téléphone ?
André Merlaux : Eh bien (hésitant), le téléphone sonnait. Et j’ai décroché.
Moïse : La logique m’échappe. (silence) Je ne comprends pas.
André Merlaux : Le téléphone… (silence) J’ai pensé que…
Moïse : Vous n’êtes pas à la Sécurité sociale Merlaux. La moindre information mal interprétée peut déclencher une guerre mondiale. (silence) Une guerre mondiale !
Evidemment, l’humour se loge également dans cette forme d’ironie historique : le passé a tort dans tous les sens du terme. En Algérie : Ah ! C’est beau la France quand même ! Ironie qui est très bien référencée et qui sait rester subtile (la Gerboise Bleue, les 4 généraux….)
S’ajoute à cela, une esthétique vraiment léchée : très bel objet, assez fidèle dans la reproduction des années 1960 et l’ambivalence de l’époque va jusqu’à s’illustrer dans les décors et les accessoires : objets high-tech qui co-habitent avec un bureau désuet mais aussi des difficultés de main d’oeuvre (le panneau avec les LED). Les prémices du changement sont bien là mais on demeure encore englué dans une France peu moderne. On y croit à cette reconstitution des années 60. Les acteurs ont peaufiné leur diction, leurs attitudes. C’est bien référencé et on y trouve plusieurs niveaux de lecture.
J’aime beaucoup ce genre d’humour où les blagues historiques côtoient des situations absurdes (la scène du double tamponné… TMTC), c’est assez méchant, provocateur, ça gratte là où il faut et ça fait plaisir ! Et puis, je trouve ça assez rare de montrer autant d’auto-dérision. En effet, si l’on peut commencer à se moquer et à rire de cette période troublée, cela démontre pour moi, que l’on a suffisamment de recul pour admettre que la France des années 50/60 n’a rien de la France éternelle et glorieuse que l’on a tendance à un peu trop idéaliser à mon goût. Et puis, je trouve que, dans le paysage de la fiction française, c’est vraiment senssass si certains scénaristes osent enfin écrire des séries drôles et intelligentes et pas seulement fondées sur le quotidien.
Mais pour être tout à fait honnête, j’ai du m’accrocher un peu. Il ne s’agit pas d’un coup de foudre, j’ai trouvé le premier épisode un peu rapide dans la mise en place des personnages et je n’ai que rarement souri. Je pense que cela vient du format (26 min c’est court et c’est un exercice auquel on a peut l’habitude en France) mais aussi de cette étiquette “oss en série”. Je m’attendais à des blagues à gogo, à du Jean Dujardin quoi… mais voilà, comme dit plus haut, c’est plus subtil et plus fin. Néanmoins, j’ai été conquise dès l’épisode 2 et à partir de l’épisode 4, j’ai décidé que cette série entrait dans mon palmarès du culte. (je me dis que cette phrase veut pas dire grand chose mais mon cerveau ne veut plus rien faire -_- déso. pas déso.)