Inconnue en France, la série COMMUNITY a pourtant de gros atouts pour elle (surtout Alison Brie qui en a deux *tousse*). Ce qui pourrait rebuter l'éventuel spectateur non-américain, ça serait la méconnaissance des différents codes et références disséminés par parpaings dans chaque épisode. Car en effet, à Greendale (un "community college", une fac publique, où tous les rebuts de la société se retrouvent et prospèrent pour nos plus grands fous rires), le petit groupe d'étudiants, emmené par Jeff Winger, fait monts et merveilles pour ce qui est des situations insolites.
Si le début de la série s'oriente de manière assez classique pour une sitcom du genre, les épisodes centrés sur un point précis se multiplient et créent une ambiance qui peut en dérouter certains (épisodes pâte à modeler, failles spatio-temporelles, paintball, making of d'un clip, etc.). En prenant le pas sur les codes habituels du genre, COMMUNITY surfe sur un élan irrésistible d'humour tendance et assez hype. Comme déjà dit plus haut, le nombre incalculable de références et de clins d'œil à toute une frange de la culture américaine (à la fois geek, populaire, hipster) a de quoi dérouter les non-initiés. Bon, je ne fais pas partie de ces personnes là et je surkiffe voir Abed se déguiser en Batman, et je me suis esclaffé de rire à de nombreuses reprises (épisodes du survival paintball, des dysfonctionnements du continuum espace temps où Pierce et se fait tirer dessus et où Jeff perd un bras, etc.). J'aime beaucoup également comment la série se veut au fil des épisodes et des saisons, complètement dénuée de tout repère logique et cohérent. Ce qui arrive dans un épisode n'affecte quasiment pas le reste de la série, ce qui amène souvent à des moments légendaires avec la totale liberté laissée aux scénaristes (le cours de navigation, sérieusement ?). J'ai d'ailleurs été surpris par l'absence de traitement du passé des personnages, qui est juste évoqué sans être développé outre-mesure (on sait juste qu'Annie s'est droguée, que Jeff n'a pas de diplôme valide...).
Les acteurs s'en donnent à cœur joie. Le groupe d'étude est fabuleux, presque autant que les mimiques du doyen et ses mœurs sexuelles plus que bizarres et hilarantes quand celles-ci se rapportent à Jeff.
Pourtant, malgré ces nombreuses qualités, ce qui fait la force de COMMUNITY, c'est sa mise en abyme évidente du spectateur, qui se voit relayé au cœur de la série par Abed, le geek génialement dément de la petite troupe d'amis (comme Hurley qui tenait ce rôle dans LOST). On ne compte plus les fois où il se croit dans une série télé, en relevant les codes habituels du genre adaptés pour leur « vraie » vie à Greendale. L'abondance de références sur tout un pan de la culture américaine renforce cette vision, qui sera d'autant plus accentuée au fil de la série que les épisodes « spéciaux » vont augmenter en nombre. Abed claque une référence à MAD MEN à Alison Brie, actrice de cette même série ; Abed se croit dans un monde de pâte à modeler qu'il est le seul à voir et à concevoir pour Noël ; Abed filme le making-of du tournage d'un spot publicitaire pour Greendale en répétant que « HEART OF DARKNESS is better than APOCALYPSE NOW » ; Abed devient Han Solo, Batman, l'Alien le temps d'un épisode, figures s'il en est de toute la culture américaine véhiculée par autant de films cultes ; Abed devient le game master d'un jeu de rôles et surplombe ses amis participants ; etc. Les exemples ne manquent pas et illustrent d'autant plus la profondeur implicite de COMMUNITY, qui en plus de réinventer en se les appropriant les codes des sitcoms, se permet le luxe osé et réussi de se poser comme un pont entre le spectateur et l'univers de la série. Les épisodes de fan-service (paintball, surtout avec l'apparition de Josh Holloway en guest-star (« He is very good looking, like an actor is good looking » selon Abed...)) ajoutent à cela une dimension euphorique, grandiose à une série apparemment minimaliste.
« I get it. The meaning of Christmas is the idea that Christmas has meaning », dixit Abed avec le DVD de LOST saison 1 dans les mains lors de l'épisode pâte à modeler. Idem avec COMMUNITY, qui commence comme une sitcom classique, où Jeff veut coucher avec Britta, où se constitue un groupe ethniquement différent et donc sujet à disputes et débats, où chaque personnage semble avoir un passé mais qui ne sera jamais évoqué spécialement (comme le font d'autres séries) ; puis qui prend le pas sur ces codes en installant une mise en abyme parfaitement construite et savamment maitrisée.
Pourquoi dans ce cas ne pas aller jusqu'à 10, la note parfaite ? Simplement car certains épisodes démentiels en occultent d'autres un peu plus raisonnablement classiques. C'est con hein.