Le Chagrin et la Pitié

Saison 1 (7/10) :

Eh bien! Moi qui me demandais si la télévision française était capable de nous offrir quelque chose de potable, j'ai ma réponse, et elle est positive! Bon, c'est vrai que tout ceci reste très classique et que la volonté d'avoir un public le plus large possible est palpable. Reste que ce « Village français » s'avère un très beau divertissement, joué avec talent et ayant l'immense mérite de nous raconter une histoire, le tout sans jamais tomber dans le chauvinisme ou la facilité.

Au contraire, c'est une peinture humble, précise, sans concessions mais sans noirceur excessive non plus qui nous est présentée, une oeuvre où chacun a ses motivations mais aussi des choses à cacher, des faiblesses, si bien que l'ensemble sonne toujours juste et ne faiblit jamais niveau rythme et intensité. Bref, un beau moment de télévision que ce « Village français » certes pas révolutionnaire, mais saisissant et même souvent passionnant : vivement la suite...

Saison 2 (8/10) :

Dans la droite lignée de la première saison, ces nouveaux épisodes d' « Un village français » s'avèrent d'une qualité sensiblement identique à leurs prédécesseurs, si ce n'est que peut-être encore plus sombre. Trahisons, tentations de l'adultère et un nouveau personnage de nazi aussi odieux qu'intéressant viennent encore augmenter d'un petit cran l'intérêt d'une série qui n'en manquait déjà pas, un véritable événement pour notre télévision nationale. Captivant.

Saison 3 (8/10) :

J'avoue qu'au début, je restais un peu sur ma faim. Non pas que le résultat soit désagréable, mais contrairement aux deux premières saisons, voilà que les créateurs décident quasiment de se consacrer aux seuls personnages positifs durant les premiers épisodes, enlevant pas mal de l'intensité que l'on avait pu ressentir jusque-là. Heureusement, ces derniers savent vite se rendre compte de cette défaillance, et les voilà repartis de plus belle à tout point de vue. Quelle force, quelle passion! La mise en scène a beau être classique, difficile de rester insensible à ces destins individuels et collectifs, finement décrits et analysés, le tout interprété par une troupe de comédiens remarquables.

Alors que la télévision française semble constamment incapable de nous offrir des œuvres de qualité, avec « Un village français » tout semble évident, facile, comme si le talent était quelque chose d'on ne peut plus naturel. Don rare et précieux au service d'un récit à la fois dense et épuré, description remarquable des enjeux et des événements sans jamais que ces derniers soient au détriment de la « petite histoire dans la grande ». Bref, un nouveau superbe moment télévisé offert par Frédéric Krivine, Philippe Triboit et Emmanuel Daucé, brillamment instructif et fort en émotions : on aura rarement souhaité que la guerre soit aussi longue...

Saison 4 (7/10) :

Après un troisième volet particulièrement captivant, « Un village français » revient dans une forme légèrement moindre, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, le trait est parfois moins subtil qu'à l'accoutumée, et l'on s'étonne de ficelles presque gênantes, notamment dans la deuxième partie où l'on sent des scénaristes en légère difficulté. De plus, la passion qui animait le feuilleton constamment jusque-là est un peu moins présente, à l'image donc de ce petit passage à vide en milieu de saison.

Mais pourquoi sept étoiles, alors ? Et bien parce que pour autant, ce nouveau volet n'en reste pas moins souvent captivant et riche d'enjeux fascinants, comme en témoigne cette galerie de personnages toujours aussi complexes et parfois ambigus, ou encore quelques séquences particulièrement réussies et intenses, renouant alors avec le meilleur des précédentes saisons.

Enfin, on est toujours assez admiratif de voir les trois créateurs mêler avec autant d'aisance « petite et grande Histoire », à l'image du rapprochement entre résistants gaullistes et communistes, ou encore des relations toujours terrifiantes entre la police française et allemande... Au final, c'est donc largement le positif qui l'emporte, confirmant le statut particulier d' « Un village français » au milieu de la production télévisuelle hexagonale, en espérant toutefois que la série nous reviendra encore plus inspirée que ce dernier volet légèrement en-deçà de ses prédécesseurs.

Saison 5 (7/10) :

Au début, on est un peu inquiet. Deux des trois premiers épisodes sont plutôt faibles, nos héros préférés faisant quasiment de la figuration au détriment d'autres ayant du mal à s'intégrer dans le récit, d'autant qu'ils n'ont rien de spécialement captivants. Et puis, rapidement, on retrouve ce qui nous plaisait tant dans les précédents volets : une forte dimension humaine, beaucoup d'enjeux captivants et des personnages toujours aussi complexes, d'autant que les « petits nouveaux » ont enfin trouvé leur place au cœur de cette histoire foisonnante. Alors il y a quand même quelques faiblesses, notamment dans cette volonté de reléguer certaines figures historiques de la série au détriment d'autres moins convaincantes, ou encore certaines sous-intrigues ne tenant qu'à moitié la route, me poussant à hésiter entre cette note et celle inférieure.

Mais ne serait-ce que pour quelques scènes superbes, une tension parfois inouïe et cette volonté de ne (presque) jamais céder à la facilité, cette cinquième saison reste une réussite, s'offrant même le moment le plus déchirant depuis le début avec la mort d'un protagoniste essentiel lors du dernier acte. Bref, si ce (probable) antépénultième volet montre comme son prédécesseur quelques signes d'essoufflement, on fait toutefois confiance au trio Frédéric Krivine - Philippe Triboit - Emmanuel Daucé pour terminer en beauté une fiction qui nous aura décidément procuré beaucoup d'émotions.

Saison 6 (8/10) :

Premier épisode splendide : audacieux, surprenant et incroyablement efficace, qui nous laisse à rêver que cette sixième saison sera la meilleure d'une série déjà assez exceptionnelle. Malheureusement, la suite va (un peu) calmer nos ardeurs, « Un village français » retrouvant un rythme de croisière plus conforme à ce qui était fait habituellement, ce qui n'est pas une tare non plus !

Au contraire, on retrouve avec un réel intérêt ces personnages toujours aussi faillibles, continuant d'évoluer constamment au fil des années et du contexte historique, mais toujours de façon crédible et rigoureuse, au service d'un récit offrant quelques nouveaux venus particulièrement réussis (Alban et surtout Blanchon, brillamment interprété par Bruno Fleury).

Surtout, si l'œuvre est parfois légèrement statique dans son action (ce qui peut aussi se justifier par cette année 1944 où la victoire est quasi-certaine), les créateurs confirment dans les derniers épisodes leur désir de se montrer sans concession vis-à-vis

Bref, si cet avant-dernier volet n'est pas tout à fait à la hauteur de son épisode d'introduction, il n'en reste pas moins la confirmation de l'intelligence, la subtilité et la profondeur d'une série française décidément pas comme les autres : lui dire bientôt adieu ne sera pas chose aisée.

Saison 7 (4/10) :

J'en attendais beaucoup. Beaucoup trop... Mine de rien, « Un village français », c'est sans doute ma série française préférée, j'espérais donc bien la voir se terminer avec une conclusion digne de ce nom : nous en sommes très loin. Alors que j'imaginais que la fin de la guerre allait être l'occasion d'enjeux captivants et de situations nouvelles, voilà que cette septième saison se traîne en sous-intrigues souvent sans intérêt ou mal construites, prenant d'étonnantes libertés historiques uniquement pour dramatiser le scénario (sans grand succès, d'ailleurs), plusieurs effets de mise en scène n'ayant pas la réussite escomptée. Si les scènes de procès sont assez réussies, elles ne représentent qu'une petite minorité (et encore, concentrées sur la première moitié), la reconstitution, la qualité visuelle restant (encore heureux!) au rendez-vous.

Pourtant, ce n'est pas faute de manquer de pistes intéressantes, mais très peu sont exploitées ou alors laissées en chemin de façon assez incompréhensible

Alors c'est vrai : il y a quelque chose d'intéressant dans l'idée que quoi qu'elles fassent, où qu'elles aillent, certaines personnes seront éternellement liées par un destin commun (notamment à travers l'utilisation de flashforwards), amenant quelques situations touchantes, notre attachement pour certains personnages étant réel.

Mais ces derniers n'ont plus la même aura qu'auparavant, le départ de l'envahisseur semblant avoir
affadi la plupart d'entre eux, aucun ne se dégageant vraiment, à l'exception peut-être de Raymond Schwartz, bien qu'ironiquement, c'est probablement à travers lui que les créateurs se moquent le plus de nous, ne se donnant même pas la peine de lui offrir une conclusion correcte (voire une conclusion tout court).

Bref, sans être irregardable, « Un village français » rejoint indéniablement la famille des séries de grande qualité terminant la tête basse : dommageable, même s'il ne faut surtout pas oublier pour autant tous les beaux moments de télévision vécus durant six saisons et huit longues années, nous ayant fait vivre le quotidien sous l'Occupation probablement comme aucune autre ne l'avait fait auparavant. L'adieu reste amer.

Critique globale (7/10) :

Voilà, c'est fini. Après neuf longues et souvent belles années, « Un village français » tire sa révérence. Il est peu dire que j'ai apprécié cette série, sans doute l'une des plus belles réussites de la télévision française. Je ne voudrais donc pas être injuste en me focalisant trop longtemps sur l'ultime chapitre, mais je suis obligé de l'évoquer : quelle tristesse de voir une telle œuvre terminer de la sorte : récit, personnages, enjeux, suspense... À quelques exceptions, on ne retrouve plus grand-chose de l'œuvre qui nous avait tant fait vibrer dans ses plus grands moments. Une conclusion amère, donc, mais ne devant pas nous rendre amnésique.

Doté d'un grand sens du romanesque tout en gardant constamment une grande rigueur historique (sauf à la fin, désolé, j'insiste), l'élégance de la reconstitution, la force des situations, la grande qualité des protagonistes, principaux comme secondaires, formant un ensemble souvent captivant, un véritable univers de fiction dans lequel on est (presque) toujours ravi de se replonger. Évidemment, certaines saisons sont supérieures, mais dans l'ensemble, cela se ressent assez peu tant la série sait souvent jeter le trouble, offrir des situations complexes, saisir un moment, un regard, évitant tout manichéisme, aussi bien du côté résistant que collabo... Non, vraiment, hormis une poignée de sous-intrigues ou de passages plus faibles, une bien belle épopée offerte par France Télévisions, à qui il aurait simplement fallu offrir une sortie digne de ce nom... Beau, marquant, émouvant... et un peu frustrant.