The Forbidden Room, ou La Chambre Interdite dans sa version française, est un long-métrage expérimental dont le pays d'origine est le canada. Il est sorti le 16 janvier 2015 à l'occasion du Sundance Film Festival, principal bastion du cinéma indépendant, et en France le 16 décembre 2015, soit le même jour que Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force. Et oui.
Quelques mots sur son réalisateur : Guy Maddin pourrait être qualifié d’artiste rebelle qui s’éloigne volontairement des standards cinématographiques en vigueur. Mais en réalité, c’est un amoureux transi, passionné du média qui le fait vivre et de sa grammaire. C'est pourquoi il s'est illustré à travers de nombreux documentaires, pas moins de 10 longs métrages et plus d'une cinquantaine de courts métrages, initiés (pour la plupart) lors d'installations artistiques.
De l’installation au long métrage
The Forbidden Room est né Seances, un ambitieux projet interactif produit par l’Office National du film du Canada en 2012. À la fois anachronique et très en avance sur son temps, il rend un touchant hommage aux films oubliés, perdus, détruits de l’industrie cinématographique, et révolutionne le storytelling.
Concrètement, 17 courts métrages on vu le jour en son sein, lesquels mettent en scène des acteurs prestigieux (Maria de Medeiros, Louis Negin, Mathieu Amalric, Charlotte Rampling, Roy Dupuis, Géraldine Chaplin…), tous tournés en public devant les visiteurs enjoués des centres Pompidou et Phi, respectivement situés à Paris et à Montréal. Et pour exprimer la dimension éphémère des œuvres qu’ils référencent, que ce soit dans l’histoire du cinéma mais aussi et surtout dans les souvenirs du spectateur, les courts métrages précités ont étés hébergés sur un site web qui génère aléatoirement un objet audiovisuel à chaque visite grâce à un algorithme dédié ; ce dernier étant également responsable du rendu pellicule acétate en décomposition qui infuse dans la photographie globale du projet une odeur de vinaigre. À noter que l’objet s'évapore sitôt qu’il se termine et ne peut jamais être revu, ce qui à la fois laisse un vide assez troublant et demeure incroyablement poétique.
Finalement, le numérique a joué un rôle si important dans le processus créatif que le superviseur des effets spéciaux Evan Johnson a été crédité en tant que co-auteur au générique de The Forbidden Room.
Ceci étant dit, The Forbidden Room n’est pas une version diminuée de l’installation, quand bien même s’adresse-t-il au grand public jugé moins aventureux. Il est une expérience sensorielle sophistiquée, parfaitement synthétisée par cette phrase du réalisateur :
Je voudrais que les gens se sentent comme s’ils avaient été rejetés par les flots sur le rivage, ayant à peine survécu à la noyade dans le tourbillon de la narration.
Cela se traduit à l'écran par une structure narrative complexe, qui consiste en un emboîtement d'histoires concentriques ; « emboîtement » parce qu'un récit-cadre enchâsse plusieurs intrigues imbriquées les unes dans les autres, et « concentriques » parce que chacune d'entre elle est l'illustration d'un même entrelac de thèmes. Mais aussi par le traitement de sujets tels que le souvenir, l’amour, la mort, les faiblesses du corps et de l'esprit humain, abordés de manière très picturale, parfois même littéraire (en témoigne l’omniprésence des cartons), qui pourvoient le métrage d’un souffle romantique cauchemardesque prompt à invoquer dans les esprits le fameux spleen Baudelairien. Et pour s'en assurer, Guy Maddin a jugé bon de rendre sa créature de Frankenstein pelliculaire volontairement interminable, quand bien même a-t-il toujours souhaité écouter ses œuvres, ce qui semble être un revirement assez signifiant.
Fort heureusement, les rares critiques ayant eu la hardiesse de s'attaquer à The Forbidden Room ont étés unanimes, saluant son entreprise audacieuse et jusqu'au-boutiste ou encore son hommage fantasmagorique au cinéma d'un autre temps, au point parfois de devenir dithyrambiques, clamant par exemple qu'il a su s'extirper du circuit classique imposé par une industrie consensuelle en ouvrant la porte à une culture alternative de l'image et du son, mais l'idée reste la même.
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