Quand au bout d’un ¼ d’heure on a pris conscience que ce n’est pas dans la narration qu’il va falloir diriger son attention dans ce polar hyper visuel, structuré comme un jeu d’ellipses, on entre aisément dans l’univers pop déjanté de Seijun Suzuki.
Rarement son cinéma n’aura autant dépassé les limites de la conceptualisation transgressive des bonnes pratiques de fabrication d’un cinéma qui ne s’éloigne quasiment jamais du pur genre, mais l’emballe dans une sophistication stylisée. Car c’est de stylisation qu’il s’agit, jamais gratuitement étayée par des effets pompeux ou de la surexposition. On est dans un pur cinéma d’esthète à la grande maitrise visuelle nourrie d’une inventivité de tous les instants.
Chaque plan est un miracle pourrait-on dire, tellement novateur, tellement libre, tellement désincarné et libéré de toute contrainte narrative. Je défie quiconque d’essayer de narrer l’histoire de ce film. On peut s’y tenter en disant que ça parle d’un tueur, classé 3ème dans la hiérarchie des tueurs à gage qui n’a qu’une obsession de devenir le numéro 1, mais ce dernier est-il réel ?... on est dans la pure abstraction et le déroulé n’en souffre jamais.
Un joyau inépuisable du grand cinéma d’exploitation nippon réalisé par un inventeur d’imagerie du nom de Seijun Suzuki.