On sait depuis l’inoubliable « valse avec Bachir », d’Ari Folman en 2008, que l’animation constitue un médium efficace pour dire ce que les mots sont impuissants à traduire. Il faut reconnaître à Michel Hazanavicius l’intelligence d’avoir saisi que la démonstration de l’abomination nazie a perdu de sa force quatre-vingts ans après la libération des camps d’extermination et la mise au jour de la barbarie la plus abjecte. C’est donc par le biais du conte que le réalisateur nous emmène par touches successives vers l’humain au cœur de l’horreur. On ne voit rien, tout est blanc, nous sommes à l’écart du monde jusqu’à ce qu’un cri interpelle une pauvre femme qui ramasse du bois. Le conte dit l’humanité des uns , la méchanceté et la bêtise des autres face à l’innocence tombée d’un train. Peu à peu, on entre dans la violence mortelle cachée dans ces wagons qui traversent la foret la nuit pour aller vers la mort : « ils se croyaient des hommes n’étaient plus que des nombres, depuis longtemps leurs dés avaient été jetés », disait Jean Ferrat. L’horreur est là à quelques kilomètres sans doute, pareille au « cri » de Munch multiplié à l’infini. Mais au final c’est la vie qui l’emporte malgré a peine et l’absence de ceux qui ne sont plus. Il faut savoir ajouter de la vie aux jours quand on ne peut plus ajouter des jours à la vie. Hazanavicius nous transmet un message universel et humaniste sans pathos à travers ce conte.