Bancal mais pas banal

Film qui tente de répondre à un pari pas évident : le chaud (le conte, une histoire , l’amour, la morale à l’histoire) et le froid (l’horreur, l’Histoire, la haine, l’absence de sens). Depuis Art Spiegelman et Mauss (années 80, les Allemands en chats et les Juifs en souris), Michel Hazanavicius : « Un dessin, contrairement à un acteur, ne fait pas semblant », Tenoua, « Les sans-cœur ont un cœur”, 09/24, Léa Taïeb) on savait que le dessin était un moyen comme un autre pour parler de la tentative d’extermination des Juifs initiée par les Nazis. Il y eut malgré tout un débat sur l’impossibilité de la représenter (« Rétrocontroverse : 1994 , peut-on représenter la Shoah à l’écran ? Samuel Blumenfeld @samuelblumenfeld , Le Monde, 8 août 2007) avec, pour shématiser, une ligne NON Rivette-Daney [«Le travelling de Kapo »]-Lanzmann face à un OUI Minc-Sinclair-Ophuls-Spielberg. Ce dernier venait d’ailleurs de réaliser La Liste de Schindler, sur un Juste, aussi objet de film de M. Hazanivicius : « Ce film, ce n’est pas un film sur les victimes, sur les bourreaux. C’est un film sur les Justes, c’est le message que j’aimerais faire entendre”. [Tenoua, op. cit]. Il est vrai que Juste ou rescapé, ils sont tous des héros, quitte à le payer de leur vie. Mais entre chaud et froid, le film reste tiède, avec d’un côté un conte bien commencé et mal terminé (absence de noms propres au profit de « pauvre bûcheron » par exemple, fin ni convaincante ni convaincue), de l’autre l’Histoire qui vient annihiler la magie du conte, qui a normalement ce contrat avec le spectateur d’être irréel. Néanmoins, au milieu d’un univers graphique très réussi, et assez sublime ou terrifiant selon les moments, comme le rappelle Samuel Blumenfeld, s’appuyant sur Raul Hilberg, il incarne « incarne un état précis de l’histoire de la mémoire de la Shoah ». Cet état précis de la mémoire, par contre, ne semble pas évoquer le 7/10/2023, mais plutôt mettre en lumière, dans une sorte de syncrétisme, une figure mi-mariale, mi païenne, aussi bien dans l’enfant que la mère, qui répètent aussi la découverte de Moïse sur le Nil.