Si la folie douce du personnage est d’abord le signe inquiétant d’une déprime, elle se voit requalifiée à mi-parcours comme une exploration plus poétique. Faute d’avoir prise sur les choses, "Barbie" se met à les parler autrement, s’invente un rapport performatif à la réalité. Ici, elle rebaptise le personnel hospitalier du tendre sobriquet de « Fanfan ». Et c’est sur un coup de tête que, dans la dernière partie, elle part en virée en Ecosse, histoire de déverrouiller la langue par le contact d’une autre.
Faussement neutre, à ras de personnage, la mise en scène tend vers la prise unique et le minimum de découpage. Sa frontalité permet de faire exister sur un même plan la réalité ordinaire et les poussées délirantes de l’héroïne.
Alors oui, tout du long, "Ma vie ma gueule" fait ainsi cohabiter une certaine drôlerie avec l’idée persistante de la mort. Sans doute "Barbie" est-elle plus qu’un simple alter ego de Sophie Fillières, la réalisatrice malheureusement décédée en 2023 et qui n'a pas pu entièrement terminer ce dernier film.
Un masque pour disséminer de discrets signes d’adieu et caresser un au-delà avec ce film si personnel. Hélas pour nous les spectateurs, on reste un peu perplexes devant ce film en forme de testament et où la déprime l'emporte malgré tout.