Plus c'est long, plus c'est... long

Je n’avais pas refait Silent Hill 2, l’original, depuis 15 bonnes années aux bas mots. Mes souvenirs se voyaient ainsi drapés dans la brume, celle la même qui habille la ville de Silent Hill et lui confère son identité onirique. Oh je me souvenais de pas mal de choses, l’essentiel, mais pas des détails. Les lieux, les personnages, les thématiques tout ça s’inscrit en vous que vous le vouliez ou non lorsque vous êtes un adolescent qui se prend Silent Hill 2 en pleine face. Mais de la à me souvenir de l’ordre précis du voyage de James ou du level design des lieux…. Le temps l’a emporté la aussi que je le veuille ou non. Alors lorsque je lance ma partie de ce remake c’est une sensation excitante, des retrouvailles manette en main pleine de fébrilité. C’est un peu comme si Bloober Team m’avait envoyé une lettre me disant de les retrouver dans cet endroit à nous : Silent Hill.

J'évoque dans cette critique l'ordre des différentes zones du jeu, si vous ne voulez pas être spoiler, rebroussez chemin imprudents lecteurs...

La première scène dans les toilettes, James qui se passe de l’eau sur le visage, la musique, puis les premier pas en forêt pour atteindre le cimetière… tout revient. On pense avoir oublié et le cerveau humain réussit l’exploit d’aller chercher une save en back up dans la boite à souvenirs. Merde que c’est bon de revenir à Silent Hill (oui même en dépit des immondices qui y trainent). J’arpente la ville, je défais mes premiers ennemis et me voila à devoir réparer un jukebox dont le bon fonctionnement détermine l’avancée de mon aventure. Drôle de choix de la part du proprio tout de même mais bon passons et mettons ça sur le contrat de crédulité que l’on signe quand on se lance dans un jeu, un livre, un film. Mais surtout je me pose une foutue question : Il y avait ce truc du jukebox dans l’original ? La mémoire embrumée fait son office et me voila bien incapable de répondre sur le moment. Je dépasse cet obstacle puis j’entre dans la résidence Wood Side et je me rends compte que beaucoup de mes souvenirs passés sont liés à ce lieu. Et il n’y a pas à dire, le temps passe mais le génie reste. Le joueur moderne pestera peut être sur un level design qui multiplie les allers-retours mais moi je trouve que ça marche toujours autant. Le jeu aligne les moments forts avec une science du timing qui encore aujourd’hui nous colle sur nos sièges. C’est bien simple, je trouve ce premier vrai lieu clôt parfait en tout point.

Cette euphorie, ce charme de la nostalgie je l’ai eu avec moi un bon moment. Mais plus le temps passait et plus il se délitait. Pourquoi me suis-je alors demandé ? Comme souvent le diable est dans les détails…

J’ai notamment pris conscience que j’avais pas mal de soins et de munitions en stock et que par extension je me sentais moins en danger. Le système de combat a été modernisé pour coïncider à la fois avec cette nouvelle caméra à l’épaule mais aussi avec « ce que doit être un survival horror moderne » depuis que Capcom en a posé les jalons. C’est une bonne chose car les combats de Silent Hill 2 (qui n’ont jamais été au cœur de l’expérience rappelons le) étaient pour le moins laborieux. Ici quiconque a déjà dézingué du zombie sur les remakes de Resident Evil se retrouve rapidement dans des chaussons confortables. Mais voila Bloober Team a voulu montrer qu’ils avaient taffés. Alors pour que vous compreniez bien qu’ils ont refait tout ça ils ont collés des ennemis par paquets de douze. Le pinacle de ce constat étant l’infâme prison dont le sol était littéralement jonché des cadavres de tous les ennemis que j’ai du abattre (en y voyant quedal soit dit en passant…). Rendez vous compte j’ai fini le jeu avec 35 bouteilles de soins, 15 seringues, 173 munitions de pistolets, 61 de fusil à pompes et 43 de fusil de chasse… Oui moi quand je joue à un survival horror je suis dans l’économie « juste au cas où » et je termine en pouvant ouvrir une armurerie alors que j’ai dézingué la moitié des ennemis avec ma bite et mon couteau. Mais tout de même la c’est un peu beaucoup et c’est un contresens avec l’essence de ce qu’est Silent Hill 2…

La prison ça aura été le point précis à partir duquel mon enthousiasme a entamé une descente, comme le tyrolien du juste prix (coucou les vieux, cette ref c’est pour vous !).

Non content d’avoir revu le nombre d’affrontements, la Bloober team s’est aussi senti assez confiante pour faire quelques ajouts. Ainsi pas mal de lieux ont été allongés et pas forcément à bon escient. D’un jeu qui faisait sa petite dizaine d’heures on se retrouve désormais à quinze. C’est beaucoup 50% et donc forcément ça change le flow général, ça étire le rythme. Mon avis personnel c’est que l’on n’y gagne pas forcément au change et qu’on arrive assez éreinté dans le dernier tiers. Heureusement l’hôtel Lakeview permet de finir sur une zone de meilleure qualité que le combo prison + labyrinthe. Arriver épuisé à la fin d’un survival horror c’est assez « logique » pourrait-on se dire. Par exemple je suis aussi ressorti vidé du remake de Dead Space. Mais ici c’est la sensation de longueur qui prime sur celle de la peur une fois que les crédits de fin déroulent sous nos yeux. Ainsi, impossible d’en vouloir à quelqu’un qui baisserait la difficulté des affrontements pour ne garder que le voyage, à fortiori quand les boss sont aussi binaires et n’apportent rien.

Un autre point de discorde entre moi et ce remake c’est ce que dégagent les personnages secondaires. Au delà des questions de re-designs qui ont pu animer la toile c’est leur prestation globale qui me chagrine. Ils ne dégagent plus la même étrangeté qu’autrefois et ils ne sonnent plus aussi juste. Maria la première qui semble avoir perdu en assurance pour adopter une attitude de chat qui se frotte contre votre jambe. Elle avait autrefois un équilibre parfait entre la séduction et le malaise qu’elle provoquait avec aplomb. Angela qui décidemment n’aura jamais l’apparence de son âge perd son coté quasi fantomatique, regard perdu dans le vide et n’arrive jamais à totalement convaincre. Eddie s’en sort un poil mieux je trouve même si l’accent a exagérément été mis sur son coté repoussant. Cependant son regard est très réussi, à la fois transperçant et inquiétant. Laura est, quant à elle devenue Aria Stark mais avec une tignasse blonde. Par contre James profite d’une bien belle prestation même si on pourra tiquer sur le manque de subtilité de Bloober pour faire comprendre ses sentiments…

Pour son passage par la case Remake, Silent Hill 2 a perdu autant qu’il a gagné. En épousant le moule du « remake de TPS horrifique » le jeu gagne d’un point de vu réalisation, souplesse et confort mais perd aussi une bonne partie de ce qui relevait de choix artistiques. Les angles de caméras pré calculés (il aurait été tellement malin d’en conserver au moins quelque uns à des endroits clés), les designs d’origines pour les personnages, son coté plus condensé… tout cela n’était pas des défauts à corriger mais bien des éléments qui ont contribués à la légende. Mais au fond on le savait bien. Il était absolument impossible de réitérer l’exploit. L’enfant prodige qui naquit de contraintes techniques, de fulgurances de génies sur tellement de points différents (mise en scène, scénario, musiques….) est et restera le chef d’œuvre de son temps. Quelque part on ne peut que se réjouir de ce constat. Car quoi qu’on en dise, Silent Hill 2 Remake est un très bon jeu, c’est factuel. Il aurait pu être tellement pire et Bloober Team a assuré un travail des plus remarquables sur pas mal de points. Il est agréable manette en main, le sound design est incroyable, il est franchement beau… Finalement toute ces différences font qu’il ne rend pas caduque son modèle, bien au contraire. Il en est une autre interprétation complètement raccord avec son époque. Mais si vous voulez vivre l’expérience Silent Hill 2 complète il est inconcevable de ne pas faire celui de 2001 qui restera inégalé pour encore bien longtemps...

Je choisis de garder mes souvenirs embrumés car c’est la qu’ils brillent le plus en guidant tel un phare, le voyageur vidéoludique qui s’y était perdu.