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Cover Cinéphilie obsessionnelle — 2025

Cinéphilie obsessionnelle — 2025

Longs métrages uniquement.
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Mois après mois, pour le meilleur et pour le pire des découvertes :

Janvier (1→)
+1) La Sixième Partie du monde ...

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44 films

créée il y a 24 jours · modifiée il y a environ 10 heures
Le Successeur
6.7
1.

Le Successeur (2023)

1 h 52 min. Sortie : 21 février 2024. Drame, Thriller

Film de Xavier Legrand

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

►Janvier◄

Le potentiel contenu dans "Le Successeur" est immense, et il est à la hauteur de la déception une fois que tous les fils de son récit sont déroulés. C'est un film bourré de bonnes idées, dans lequel on s'engage avec une confiance non-négligeable — il s'agit du second film de Xavier Legrand, après le marquant "Jusqu'à la garde" sur le divorce entre Denis Ménochet et Léa Drucker — mais aussi intrigué par le léger décalage provoqué par la composante canadienne, que ce soit au travers de la seule présence de Marc-André Grondin ou de tout le voyage au Québec qui occupe l'essentiel de l'intrigue. Grondin interprète le rôle d'un directeur artistique dans une maison de haute couture parisienne, et un faisceau d'indices nous indique qu'il doit faire ses preuves, qu'il est un peu sous pression, et que ce stress est à l'origine d'un comportement que l'on qualifierait communément de "pas très sympa". La mort de son père avec lequel il n'avait pas d'attache le contraint à s'envoler rapidement en Amérique du Nord pour gérer tout ce qui a trait à l'enterrement et à la succession. Et c'est en farfouillant dans la maison du défunt que le film bascule dans un registre tout à fait différent.

Clairement, même si le scénario avec pris le soin de bien écrire ses passages-clés, on n'aurait pas eu un chef-d'œuvre, mais on peut imaginer un thriller prenant sans autre but que celui de composer une atmosphère pesante et originale (une bonne part de l'originalité tient précisément à la rupture brutale de genre). Mais malheureusement, le scénario adapté et remanié par Legrand sombre très vite dans la caricature et l'écueil classique dans ce domaine, à savoir la surestimation de notre capacité à consentir une suspension d'incrédulité. Ici en l'occurrence, on accumule une quantité d'incohérences et d'invraisemblances telle qu'il est difficile de ne pas se sentir un peu insulté par la tentative. Les agissements de Grondin ne sortent bien sûr pas de nulle-part, on sent bien qu'on essaie de nous convaincre que son comportement est lié à quelque chose de tangible, mais alors tout cela nage dans une fange ridicule et absolument injustifiable. Le problème majeur étant que c'est justement au moment où le film plonge dans ce versant glauque surprenant que les ennuis d'écriture éclatent de partout. ...

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https://www.senscritique.com/liste/Top_films_2024/3769454?page=2

Aelita
6.5
2.

Aelita (1924)

Аэлита

1 h 51 min. Sortie : 25 septembre 1924 (Union Soviétique). Muet, Drame, Science-fiction

Film de Yakov Protazanov

Morrinson a mis 5/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Curieuse bizarrerie issue du cinéma soviétique pré-propagandiste et fable à consonance science-fictionnelle adaptée d'un roman de Tolstoï (mais pas Léon : Alexis Nikolaïevitch). Comme un cousin éloigné d'un "Voyage dans la Lune" en version martienne, et dont le récit trouve son origine dans un mystérieux message capté en provenance vraisemblable de l'espace par l'ingénieur protagoniste entre autres. Tout part de là : "Anta... Odeli... Uta". Et quand on connaît à la toute fin la signification de ces termes étranges et obscurs, il y a de quoi rigoler, quand même. Spoiler alert : il s'agit en réalité d'une publicité pour des pneus. Et autre spoiler alert : tout le voyage cosmique entrepris par le héros, déçu par sa femme, qui se barre sur Mars pour découvrir une société totalitaire et y mener une révolution (communiste, bien sûr), se cantonne à son imagination. Bon, c'est quand même un peu dommage d'encapsuler l'ensemble de la sorte, certes il y a le petit parfum comique de la boutade qui n'est pas tout à fait déplaisant, mais il y a inexorablement ce petit air de "tout ça pour ça" malgré tout. Quand on prend en compte tous ces éléments, "Aelita" s'apparente à un mélodrame muet quelque peu décharné, dont la principale curiosité tient aux décors et aux costumes assez incroyables : on imagine le budget conséquent pour alimenter cet imaginaire futuriste dont l'esthétique fait très art nouveau — on pense beaucoup au style de "L'Inhumaine" par exemple, réalisé par Marcel L'Herbier et sorti la même année, en 1924. L'argument de SF laisse quand même libre cours à quelques particularités notables, comme l'allusion sans détour aux conditions difficiles dans la ville soviétique (surpeuplée, surtout) ou encore cette disposition pour le moins singulière de la société martienne qui expédie au congélateur les travailleurs inutilisés.

Kraven the Hunter
4.1
3.

Kraven the Hunter (2024)

2 h 07 min. Sortie : 18 décembre 2024 (France). Action, Aventure, Science-fiction

Film de J.C. Chandor

Morrinson a mis 1/10.

Annotation :

Toujours la même sempiternelle bouillie, qu'on soit chez Marvel ou chez Spider-Man sans Spider-Man, l'ampleur de la vanité reste d'une remarquable constance. Toujours les mêmes enjeux (soit les États-Unis doivent sauver le monde, soit une histoire de famille avec ses névroses et ses psychothérapies ratées), toujours les mêmes mécaniques narratives (la dynamique du récit est parfaitement anticipable), toujours le même recours aux effets spéciaux (hideux, souvent, et là pour cacher périodiquement la misère du scénario et nous faire oublier le vide). Le sentiment reste inchangé : on se fout totalement des personnages interchangeables, on n'est jamais passionné par ce qui anime les uns ou les autres, et on ne croit jamais à la nécessité des actions — tout semble parfaitement cadenassé. Ici on nous sert l'histoire de la genèse d'un grand méchant, et la généricité du film est absolue. En fait, Kraven, c'est simplement un fils déçu par le comportement pas cool de son papa. Un papa interprété par Russell Crowe en roue libre totale, sans limite dans le cabotinage de l'accent russe — on se croirait 30 ans en arrière — et en ce sens au même niveau que Aaron Taylor-Johnson en termes de sérieux chevillé au corps, quelle que soit la hauteur de la vague. Kraven c'est un gentil devenu méchant nous dit-on, qui a passé sa vie à chasser les chasseurs grosso modo (la fameuse logique du "c'est pas bien de tuer des animaux, du coup je tue les tueurs d'animaux et tout rentre dans l'ordre", ou encore "il y a les bons chasseurs et les mauvais chasseurs"), le tout baignant dans une histoire soporifique de famille dirigée par un patriarche trafiquant de drogue. Le plus surprenant dans ce désastre : c'est le réalisateur de "Margin Call" et "All Is Lost" (et "A Most Violent Year") qui se salit dans cette horreur, J. C. Chandor ayant en quelque sorte annoncé son virage vers le film d'action avec "Triple frontière". Difficile de ne pas être triste devant ce navet aussi moche qu'insipide et le potentiel corrupteur de l'industrie hollywoodienne.

Le Grand Attentat
6.9
4.

Le Grand Attentat (1951)

The Tall Target

1 h 18 min. Sortie : 13 février 1974 (France). Drame, Aventure, Thriller

Film de Anthony Mann

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

Thriller surprenant (à l'échelle de la filmographie d'Anthony Mann) et saisissant (dans la tension qu'il parvient à embarquer à bord du train-décor du film) qui plonge immédiatement 90 ans avant sa sortie en 1951 : le contexte est précisé en introduction et porte sur des événements qui auraient eu lieu en 1861, connus sous la dénomination "Baltimore Plot" aux États-Unis. Il s'agit de tisser une fiction autour d'éléments qui accréditent la thèse d'une conspiration présumée visant à assassiner le président Abraham Lincoln, tout juste élu, au cours d'une tournée précédant son investiture à Washington. Dans la réalité, c'est Allan Pinkerton (fondateur de l'agence nationale portant son nom) qui a joué un rôle clé dans la gestion de la sécurité de Lincoln tout au long du voyage ; dans "The Tall Target", c'est Dick Powell qui interprète le personnage de John Kennedy, un détective convaincu de l'attentat imminent et qui doit faire face à un scepticisme généralisé dans son entourage concernant ses intuitions afin d'empêcher un assassinat à bord du train reliant New York et Baltimore.

Encapsulé dans un suspense à la Hitchcock de la même époque ("L'Inconnu du Nord-Express" sort la même année), Mann y greffe quelques composantes de l'enquête à la Agatha Christie ("Le Crime de l'Orient-Express" n'est pas bien loin, au fond, même si le style n'a absolument rien à voir) pour observer les manifestations d'une très grande opiniâtreté chez le protagoniste, dans sa tentative de déjouer l'attentat présidentiel. Il y en aura, des embûches, sur son chemin, avec sa petite galerie de personnages secondaires un brin raides et monolithiques : ce jeune officier sudiste, en particulier, droit dans ses bottes, est un symbole à lui seul un peu artificiel dans son attitude glaciale du début à la fin. Heureusement que d'autres composantes plus nuancées viennent compléter le tableau, à l'image de Rachel (Ruby Dee), cette esclave se questionnant sur son hypothétique future liberté, ou encore ce militaire très opportuniste (Adolphe Menjou) cherchant à profiter de la situation autant que possible. "Le Grand Attentat" est aussi un peu le reflet de son époque, c'est-à-dire marqué par une certaine naïveté morale et une trop grande simplicité des valeurs — Lincoln, ce héros marmoréen intouchable, qui aura les derniers mots : "Did ever any President come to his inauguration so like a thief in the night?" — sans toutefois nuire de manière trop dramatique au déroulement de l'intrigue, prenante.

Heretic
6.3
5.

Heretic (2024)

1 h 50 min. Sortie : 27 novembre 2024 (France). Épouvante-Horreur, Thriller

Film de Scott Beck et Bryan Woods

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Je suis très partagé devant la proposition de "Heretic" tant le film alterne les surprises et les conventions, les séquences intéressantes et les passages pénibles. Un bon point à mettre d'emblée au crédit de Scott Beck et Bryan Woods, c'est que malgré le caractère un peu prévisible du sujet et des enjeux à la lecture du synopsis ou au visionnage de la bande-annonce, ils parviennent à emprunter un sentier original dans le sillon de la sous-catégorie de l'horreur à connotation religieuse — mais dépourvue de surnaturel ici, et en soit la non-appartenance du film au registre du fantastique est un peu une forme de spoiler. Et puis il faut le dire, voir Hugh Grant malmener deux jeunes missionnaires mormones dans un rôle à contre-emploi pour le séducteur cliché des années 1990, ce n'est pas désagréable.

Finalement ce n'est pas sur le terrain de la rhétorique que le film abat ses cartes : en réalité les deux camps avancent des arguments explicites dans le second tiers du film qui fonctionne selon un triptyque pas mal foutu — introduction inquiétante pleine d'interrogations / cœur de récit orienté vers la mise à l'épreuve de la foi / final sautant à pieds joints dans l'horreur plus classique. D'un côté le théologien athée qui décrit les religions comme toutes enracinées dans un désir viscéral de contrôle et de domination (personnellement je lui donnerai difficilement tort) ; de l'autre, les deux croyantes (et surtout une, après un renversement de perspective assez bien vu après nous avoir esquissé une dynamique induisant en erreur entre les deux femmes) qui se montrent conscientes de l'inefficacité prouvée de la prière en avançant qu'on peut le faire aussi comme un acte de générosité et d'empathie (ok, pourquoi pas).

Suite
https://www.senscritique.com/liste/Top_films_2024/3769454

Les Œufs de la brouille
6.

Les Œufs de la brouille (1975)

Ägget är löst! En hårdkokt saga

1 h 33 min. Sortie : 17 mars 1975 (Suède). Comédie

Film de Hans Alfredson

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Nouvelle exploration du patrimoine cinématographique comique et loufoque de Suède, après le déjanté "L'Homme qui a renoncé au tabac" de Tage Danielsson (1972) : "Les Œufs de la brouille" réalisé par Hans Alfredson en 1975, dans lequel l'acteur Gösta Ekman (toujours autant sosie non-officiel de Martin Freeman) reprend du service mais cette fois-ci dans le rôle du fils de Max von Sydow, un patriarche tyrannique exerçant son autorité détestable autant à l'usine qu'au sein du foyer. C'est un film puissamment baroque, qui ne ressemble à vraiment pas grand-chose d'autre, brassant différents registres à l'aide de plusieurs tonalités, tantôt humour noir tantôt fable survivaliste ou post-apocalyptique, et tellement hétéroclite dans ses ambiances qu'on pourrait y percevoir une juxtaposition de trois courts-métrages.

Le premier temps est consacré à la familiarisation avec cette famille complètement dysfonctionnelle, mère soumise, fils aux ordres, et le patriarche aux commandes d'une usine pour le moins singulière : on y élève des poules à l'échelle industrielle afin de récupérer des œufs pour transformer ces derniers en un objet particulier que l'on pourrait appeler "gratteur de cul". Du grand n'importe quoi surréaliste et crypto-anticapitaliste.
Puis le deuxième bascule dans un autre degré de surréalisme, suite à la tentative de rébellion du fils, au bout du rouleau et rincé par les humiliations quotidiennes du père, de l'assassiner — pas de chance, il portait une sorte d'armure, et il surprend mère et fils en pleine exemplification du complexe d'Œdipe. La leçon sera extrême : le père balance le fils dans un étang et il y passera grosso modo un an, bloqué là, les pieds coincés au fond, la tête dépassant à peine de l'eau. Un long moment sera consacré à ce passage complètement foutraque, consacré à l'observation de sa survie : manger des poissons, filtrer l'eau avec des algues, faire la connaissance d'une anguille, finir étranglé par la glace... Bref, une nouvelle couche de n'importe quoi.
Finalement, la satire prend encore une troisième tournure lorsqu’il parvient à s'extraire de l'eau : on découvre une société post-apo complètement laminée par le manque de nourriture, et Hans Alfredson conclura l'affaire par une énième pirouette excentrique à tendance anarchiste.

Film de vengeance, comédie musicale, conte de fées surréaliste, satire sociale : la bizarrerie suinte de tous les pores et brille par le sérieux de von Sydow en dirigeant d'une société.

Gladiator II
5.5
7.

Gladiator II (2024)

2 h 28 min. Sortie : 13 novembre 2024 (France). Drame, Péplum

Film de Ridley Scott

Morrinson a mis 2/10.

Annotation :

Aurais-je aimé "Gladiator II" si je l'avais découvert à l'âge de 15 ans comme le premier ? Je n'en suis pas du tout sûr. Ridley Scott monte d'un gros cran dans l'interprétation de l'histoire et se place ici au même niveau que son film précédent, "Napoléon", risible sur à peu près tous les plans. Évidemment ce genre de cinéma n'est pas un cours d'histoire, aussi je me garderai à titre personnel de pouffer trop fort en ce qui concerne les innombrables approximations et autres fantaisies — genre, mettre des requins tueurs dans le Colisée, au hasard... En revanche, on atteint un seuil de bêtise cinématographique et on dépasse la limite en l'explosant franchement, c'est plutôt là que le problème se situe. Les deux acteurs interprétant les co-empereurs Geta et Caracalla sont probablement l'exemple le plus explicite : c'est tout bonnement insupportable, ridicule, à un point tel qu'on songe réellement à une parodie tant le niveau de cabotinage est stratosphérique.

Plus généralement, ce film est porté par un projet de plus de 20 ans et pourtant on dirait que tout a été fait à l'arrache, c'est immonde. Les effets spéciaux sont régulièrement hideux (l'attaque navale en introduction par exemple, certains plans ressemblent à des screenshots de jeux-vidéo d'il y a 20 ans), faire de Paul Mescal le protagoniste et fils de Maximus ne fait absolument aucun sens (il a vraiment le charisme d'une palourde le pauvre, c'est effrayant), et le scénario a beau étaler sa sauce sur 2h30 elle n'en reste pas moins superficielle, inconsistante, et tout simplement moche. L'action file à toute vitesse, les rencontres arrivent aussi vite que les mises à mort ou les grands sentiments révélés... Et le pire est sans doute dans les dialogues, avec ces grands discours déclamés avec zéro conviction. C'est d'une tristesse, cet ultime monologue du héros pour réconcilier les deux armées se faisant face.

Dans ce marasme, Pedro Pascal tient à peu près la route là où Denzel Washington peine à convaincre malgré un rôle surprenant. La présence de Connie Nielsen dans le même rôle qu'en 2000 est assez appréciable en revanche. Mais le film ne fait qu'osciller entre régurgitation lourde de la mythologie du premier film et programme bourrin de blockbuster d'action en jupette. La trajectoire est la même, esclave, gladiateur, dirigeants tyranniques, blablabla. On retiendra plutôt le rhinocéros que cette peinture grotesque d'une Rome décadente.

La Mort apprivoisée
6.7
8.

La Mort apprivoisée (1949)

The Small Back Room

1 h 46 min. Sortie : 4 septembre 1953 (France). Drame, Romance, Thriller

Film de Michael Powell et Emeric Pressburger

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

Difficile de voir dans "La Mort apprivoisée" (aka The Small Back Room), film de guerre froid et sec en noir et blanc centré sur les recherches scientifico-milaires loin du front pendant la Seconde Guerre mondiale, le duo de réalisateurs ayant produit "Les Chaussons rouges" juste avant (1948) et "Les Contes d'Hoffmann" juste après (1951), deux romances musicales arborant les traits du conte enchanteur... C'est un peu le même sujet que "Démineurs" (The Hurt Locker) de Kathryn Bigelow sans tout le versant qui a trait au concours de virilité : on suit le chercheur Sammy Rice, interprété avec justesse par David Farrar, dans son laboratoire et sa collaboration avec l'armée. Son personnage jouit d'une psychologie assez travaillée, avec son tempérament réservé, ne bénéficiant pas de louanges concernant ses travaux fructueux, en perte flagrante de confiance en lien avec son infirmité : il a subi une amputation du pied pour des raisons qui sont laissées à l'imagination du spectateur. Et dans ce contexte, l'aviation allemande largue des bombes camouflées en objets tubulaires un peu partout au sud de l'Angleterre, et on lui confie la mission d'étudier le mécanisme sous-jacent afin de mener à bien leur déminage.

L'adhésion à un film comme "The Small Back Room" tiendra essentiellement à la capacité de chacun de faire abstraction de quelques bizarreries scénaristiques — on ne comprend pas vraiment en quoi la compréhension du mécanisme d'armement des bombes justifie de sacrifier autant de personnel en les manipulant alors qu'il suffirait de les faire exploser à distance en toute sécurité... Le métier de démineur a probablement beaucoup évolué en un demi-siècle. Mais l'intérêt principal ne réside pas là : c'est bien l'étude de caractère qui en suscite le plus. Sammy est un personnage assez atypique, au cœur de la guerre mais pas du tout glorifié en héros viril, largement décrédibilisé par son rapport addictif à l'alcool. En ce sens on pense au film presque contemporain de Billy Wilder, "Le Poison", à ceci près qu'ici l'alcoolisme n'est qu'un rouage au sein d'une mécanique plus générale, et qu'il est à l'origine de plusieurs séquences mémorables : …

Suite
https://www.senscritique.com/liste/top_films_1949/376441

Le Tableau volé
6
9.

Le Tableau volé (2024)

1 h 31 min. Sortie : 1 mai 2024. Drame

Film de Pascal Bonitzer

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Le dernier film de Pascal Bonitzer est intrigant dans le sens où il s'immisce dans un monde qui n'est pas particulièrement intelligible et connu pour le commun des mortels, à savoir le quotidien d'un commissaire-priseur — interprété ici par Alex Lutz, un acteur toujours aussi intéressant, même dans des films moyens comme "Le Tableau volé". On peut classifier ce dernier dans la catégorie des œuvres attachantes à défaut d'être transcendantes, celles qui maintiennent un intérêt notable et constant tout du long sans pour autant marquer les esprits durablement. L'autre particularité ici étant le soin avec lequel scénario et dialogues communiquent en brassant une quantité de thèmes étonnante, le monde des musées, des enchères, des marchands d'art, mais aussi celui des classes modestes, des personnages barrés mais en sourdine (la stagiaire pathologiquement menteuse de Lutz, interprétée par Louise Chevillotte), des personnages secondaires aux profils travaillés et singuliers, comme l'avocate jouée par Nora Hamzawi ou l'ex-femme de Lutz par Léa Drucker.

L'histoire se plaît aussi pas mal à induire en erreur, l'air de rien, en laissant supposer des intrigues qui n'arriveront jamais (par exemple, on pourrait croire que le tableau redécouvert chez cette famille de prolétaires de Mulhouse risque d'être volé par les potes du jeune) et en exposant des tempéraments originaux (le personnage principal est assez difficilement cernable, très désagréable par moments mais attachant à d'autres). Le tout est relié à une histoire vraie, la redécouverte 60 ans plus tard des Tournesols d'Egon Schiele, un tableau disparu depuis la Seconde Guerre mondiale. Autour de cet événement se joue la carrière de Lutz, qui compte bien saisir l'opportunité tout en se heurtant à des manipulations dans l'ombre de la part de gens fortunés peu scrupuleux et autres spéculations cyniques — mais tout cela n'est jamais explicite, sur-expliqué, c'est vraiment saisi au vol, authentique, avec beaucoup de back stories volontairement à peine esquissées. Un peu inachevé comme projet, mais malgré tout rafraîchissant et reposant dans la stimulation douce qu'il occasionne.

Le Diable en robe bleue
5.9
10.

Le Diable en robe bleue (1995)

Devil in a Blue Dress

1 h 41 min. Sortie : 10 janvier 1996 (France). Film noir, Thriller

Film de Carl Franklin

Morrinson a mis 4/10 et a écrit une critique.

Annotation :

La reconstitution du décor californien des années 30-40 dans le genre de polar néo-noir a quelque chose de presque générique en ses termes, comme si par définition ce genre de projet ne pouvait aboutir qu'à quelque chose de très conforme, menacé d'académisme à tous les étages. Qu'y a-t-il de neuf dans "Devil in a Blue Dress", franchement ? On les voit tellement venir de loin les chausse-trapes, les mensonges, les trahisons, que la naïveté du protagoniste en devient risible par moments. Pourtant c'est Denzel Washington qui s'y colle ici, non sans charisme, à une période où il était en pleine ascension, pour donner corps à ce vétéran de la Seconde Guerre mondiale sans le sou, contraint d'accepter à peu près n'importe quel boulot afin de rembourser son prêt immobilier. C'est en ces termes archi-pragmatiques que sont posées les premières pierres de l'enquête qu'on lui confie — il devient en quelque sorte détective privé du jour au lendemain...

Malgré tout "Le Diable en robe bleue" n'est pas sans charme, et si toute la partie progression de l'investigation / résolution du mystère peine à passionner, la toile de fond est agréable : Los Angeles à la fin des années 40, la ségrégation faussement atténuée, et des histoires de gangsters croisées avec des marques de racisme. Il faut vraiment passer au-delà des nombreux clichés que Carl Franklin égraine scolairement, histoire de bien baliser son polar avec des boîtes de jazz, des combines bien louches, des femmes fatales aux secrets bien gardés, des politiciens véreux, etc. Pas désagréable de voir Jennifer Beals débarquer dans le champ (une dizaine d'années après "Flashdance"), de même que Don Cheadle en sidekick à la gâchette facile. La carte de l'élégance n'est pas toujours jouée avec brio, mais la description de la communauté noire donne un certain cachet à l'ersatz de film noir dépourvu d'aspérités.

Jusqu’au bout du monde
6.4
11.

Jusqu’au bout du monde (2024)

The Dead Don’t Hurt

2 h 09 min. Sortie : 1 mai 2024 (France). Western, Drame, Romance

Film de Viggo Mortensen

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Viggo Mortensen adopte une démarche très soignée, en tant que réalisateur, acteur, scénariste et compositeur de la musique de son deuxième film "The Dead Don't Hurt". C'est propre, c'est fin, ça s'inscrit dans notre époque... On a presque envie de dire dommage qu'il s'agisse d'un western tant le genre n'a plus grand-chose à apporter de neuf, et ça Viggo le sait bien : c'est pourquoi sa narration arbore une non-linéarité revendiquée, multipliant les sauts dans le temps en avant, en arrière, parfois de quelques jours, parfois de quelques années. Il n'y a pas vraiment de raison à ces allers-retours incessants, si ce n'est la volonté d'introduire un peu d'aspérités dans le déroulement d'une histoire assez lisse en soi. Mais Mortensen l'acteur s'en sort pas si mal aux côtés de Vicky Krieps, quand bien même on aurait aimé que cette dernière occupe une place plus importante, et un peu moins celle de faire-valoir féminin et féministe qui souffre de quelques artificialités d'écriture. Malgré la fragmentation chaotique du récit, on voit très bien où tout cela va nous mener, hormis peut-être le détail de la paternité d'un enfant.

Pour le reste on suit sans déplaisir cette rencontre entre deux voyageurs, une Canadienne francophone et un Danois, qui se retrouvent rapprochés l'un à l'autre par la fameuse violence de l'ouest américain. Dommage que le méchant fils du grand méchant trimballe ses caricatures de grand méchant de manière aussi ostentatoire... J'aurais bien aimé que le trait de caractère de la protagoniste ayant trait à son indépendance farouchement préservée bénéficie de davantage de profondeur — en l'état c'est un peu pauvre, même si en termes de harcèlement (pendant la guerre de Sécession, Viggo s'en va combattre pour l'Union et contre l'esclavage, c'est vraiment un homme parfait quoi) le film reste sobre, heureusement. Finalement le film laisse peu de temps au développement des retrouvailles, les deux devant en quelque sorte se réapprivoiser : lui a connu une guerre, elle a donné naissance à un petit garçon "against my will". Les paysages sont en revanche grandioses, entre Ontario, Colombie-Britannique, et Mexique (Durango). Sobre, mais un peu englué dans son académisme malgré tout.

Speak No Evil
6.2
12.

Speak No Evil (2024)

1 h 50 min. Sortie : 18 septembre 2024 (France). Épouvante-Horreur, Thriller

Film de James Watkins

Morrinson a mis 2/10.

Annotation :

Pourquoi faire un remake du film danois de Christian Tafdrup de 2012 en altérant une bonne partie de ce qui était le plus effrayant (et que l'on pourrait résumer au final, glaçant et mémorable) tout en reproduisant la tripotée de cafouillages scénaristiques qui atomise la dynamique de la narration... On ne compte plus le nombre de stupidités et autres maladresses dans ce scénario plein de trous, d'incohérences et invraisemblances flagrantes, autant de points de sortie de l'intrigue — très problématique au sein d'un thriller horrifique qui est censé nous happer. Bon clairement, quand on a déjà vu l'original, revoir quasiment la même chose, du moins exactement les mêmes ingrédients, n'est pas ce qui se fait de plus passionnant au monde. Mais bon, quand on percute que c'est dirigé par James Watkins, le réalisateur de "Eden Lake" qui m'avait laissé des souvenirs parfaitement détestables dans sa propension à abuser d'opportunisme dans l'horreur, il est déjà trop tard pour faire demi-tour.

Tout est ainsi cousu de fil blanc. On les voit tellement, cette petite famille américaine (Mackenzie Davis et Scoot McNairy), tomber dans le piège tendu par cette autre famille (James McAvoy et Aisling Franciosi)... Ça n'a aucun intérêt. On sait exactement ce qui va se passer, aussi on se concentre sur tout ce qui cloche et c'est loin d'être anecdotique. Ce schéma "situation extraordinaire comportant un comportement parfaitement débile" se répète à l'infini. Le curseur du grotesque est poussé un peu plus loin ici, notamment par l'entremise du cabotinage soutenu de McAvoy (y'a du pour, y'a du contre), mais en tous cas on n'y croit pas un instant à cette rencontre, cette promesse d'un séjour idyllique... Le pire étant bien sûr la tentative de créer un tissu psychologique cohérent : l'emprise est très mal écrite et mise en scène, au même titre que la réaction des proies (l'exemple de la peluche pour laquelle on se remet dans la gueule du loup est symptomatique) — oui parce qu'il y a tout un symbolisme autour du prédateur et du chasseur. Mais y'a rien qui colle là-dedans, pour un happy end très convenu, à tel point que le fameux "because you let me" perd son sens. Très mal ficelée cette façon d'introduire du cringe et très mal fagotée cette différence culturelle (grosso modo chasseur survivaliste brutal hypersexué contre bourgeois urbain propre frustré).

Aventure dans le Grand Nord
6.1
13.

Aventure dans le Grand Nord (1953)

Island In The Sky

1 h 49 min. Sortie : 30 décembre 1953 (France). Aventure

Film de William A. Wellman

Morrinson a mis 4/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Sans doute un des survivals les moins passionnants que j'aie pu voir... Un des derniers films de William A. Wellman, qui manifestement tient encore bien la baraque en termes de mise en scène et de direction d'acteur, mais qui souffre d'un vrai scénario de manière assez cruelle. Le charme de "Island in the Sky" est dans l'ensemble très suranné : c'est vraiment l'histoire d'une bande de gars, accessoirement aviateurs et assimilés, qui se retrouvent piégés quelque part dans les immenses territoires québécois congelés du grand nord canadien après une avarie les ayant contraints à atterrir en urgence.

On est vraiment dans le versant des années 50 qui n'a pas extrêmement bien vieilli. Tout n'est pas à jeter, c'est simple, c'est propre, mais clairement les enjeux ne sont pas à l'apogée du cinéma mondial, disons. Le film distingue très rapidement deux groupes d'hommes : d'un côté, les 5 hommes abandonnés dans le froid qui doivent rester en vie dans des conditions qu'on imagine très difficile, et de l'autre côté, le service de secours qui organise les recherches. La dynamique entre les deux et à l'intérieur de chacun des deux est vraiment maladroite, alternant entre séquences dramatiques et séquences comiques (ou censées l'être, en tous cas), la mayonnaise ne prend pas du tout. Pourtant l'environnement aurait pu laisser émerger un récit de survie plus prenant, avec ces quelques gars paumés au milieu de nulle-part... Mais franchement il n'y a rien de follement aguichant là-dedans, la désolation des conditions et l'angoisse montante ne sont pas rendues de manière particulièrement intelligibles.

Et au milieu, il y a John Wayne, le vétéran de la WWII entouré de ses potes, dans un rôle qu'il tient avec une étonnante sobriété. C'est le relais de Wellman (et du scénariste adaptant son bouquin) pour proférer une partie du discours un peu bateau sur la solidarité, le courage, et blablabla. Un contenu somme toute très banal malgré les conditions extraordinaires, qui ne parvient pas à tirer la sève de son potentiel dramatique. Pourtant, je suis sûr qu'il aurait été possible de rendre plus émouvant et stressant cette histoire d'accident, de transformation de moulin à café en alimentation électrique pour radio cassée, loin des clichés un peu fades.

Iron Claw
7.1
14.

Iron Claw (2023)

The Iron Claw

2 h 13 min. Sortie : 24 janvier 2024 (France). Biopic, Drame, Sport

Film de Sean Durkin

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Biopic pas inintéressant qui prend la peine de faire autre chose que simplement raconter une histoire belle ou triste ou drôle... Ce qui est loin d'être la norme en sortie des vannes de l'industrie débitant du biopic au kilomètre, genre faisandé par excellence de notre époque. Mais l'histoire de la famille Von Erich est en soit assez exceptionnelle, un récit qu'à titre personnel je découvre totalement (étant noob en catch) : une dynastie de catcheurs célèbres, menés par le patriarche Fritz, surtout connus pour leurs performances ainsi que la prise de catch éponyme, Iron Claw. Une famille de six enfants, parmi lesquels cinq sont morts avant le père (mort en 1997 à 68 ans), dont trois par suicide. La toxicité du foyer et de l'autorité aliénante du père transpire à la seule évocation de ces faits funèbres.

L'enveloppe est assez conventionnelle, la signalétique des productions A24 étant clairement présente, ambiance rétro, les années 80 servant de décorum à cette histoire de famille pas comme les autres. Les Kennedy du sport... Je n'ai aucune idée de la véracité des éléments avancés dans le film, mais le degré de dangerosité de la figure paternelle vis-à-vis de sa progéniture exclusivement masculine est retranscrite de manière très subtile, presque entièrement dénuée de lourdeurs dans la narration ou dans le message. Tout cela est très maîtrisé, très contenu, rien de renversant mais malgré tout un récit d'une fratrie inséparable forcément émouvante à mesure que se déroule le fil des succès sportifs et des tragédies existentielles.

Les deux rôles masculins principaux sont assez convaincants, d'un côté le tyran de père (Holt McCallany) et de l'autre le fils survivant (Zac Efron) qui verra tous ses frères y passer, impuissant. Sa relation avec Fritz est assez intéressante, jusque dans ses ramifications au sein de sa propre famille — la peur de cultiver une maladie suicidaire ou contagieuse. N'étant pas fan de catch je n'ai pas trouvé d'intérêt aux séquences en question, c'est essentiellement les mécanismes d'emprise qui m'ont captivé ainsi que le détournement des figures obligées du sport, pour aboutir à un constat sur la nécessité du lâcher-prise pas dégueulasse. Récit linéaire mais prenant sur le dysfonctionnement (familial, ici).

Le Vieil Homme et la Mer
6.6
15.

Le Vieil Homme et la Mer (1958)

The Old Man and the Sea

1 h 27 min. Sortie : 7 octobre 1958 (États-Unis). Drame, Aventure

Film de John Sturges

Morrinson a mis 2/10.

Annotation :

Moment extrêmement pénible, et en ce sens fidèle au roman d'Hemingway, que le visionnage de cette adaptation dirigée par John Sturges (après l'éviction de Fred Zinnemann) dont ce dernier ne pensait pas énormément de bien. C'est simple, tout est raté dans "The Old Man and the Sea" — à la différence du court-métrage d'animation d’Aleksandr Petrov ! Le style est plat et répétitif comme le roman, l'amitié entre l'enfant mignon et le vieux pêcheur bougon totalement factice, le décor de port cubain en carton (au même titre que l'espadon capturé, les toiles peintes, et la fausse mer), la narration épouvantable avec ce choix de voix off pour coller au texte original et décrire absolument tout ce qui se passe dans la tête du protagoniste (tout sauf du cinéma quoi)... Dans ces conditions, le rêve du pêcheur est parfaitement inaccessible. Le duel entre l'homme et le poisson paraît complètement dévitalisé et vain, creux aussi, et au final le récit sur l'orgueil du vieil homme ne parvient même pas à trouver un support sur lequel vivre. C'est vraiment du cinéma hors sol, qui tente quelques accélérations (avec des images de requins harponnés, génial ahem), et qui ne sait vraiment pas que faire de son interprète principal et presque unique, Spencer Tracy (vieillissant et franchement pas très inspiré pour le coup). Mais honnêtement, 1h30 sur une barque avec ce vieux perdu dans ses pensées et son combat contre l'animal, sur fond de carton défraîchi, on n'est pas loin du supplice. Et je trouve cette histoire de dignité (censée être) retrouvée toujours aussi stérile et peu convaincante.

Aniki Bóbó
6.9
16.

Aniki Bóbó (1942)

1 h 11 min. Sortie : 16 janvier 1980 (France). Drame

Film de Manoel de Oliveira

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

Quel vertige de contempler l'amplitude du cinéma de Manoel de Oliveira, que j'avais à titre personnel découvert par son avant-dernier film de 2011, "L'Étrange Affaire Angélica" (réalisé à un peu plus de 100 ans, excusez du peu, quelques années avant sa mort à 106 ans en 2015), en revenant à la source de sa filmographie, pour son premier long métrage : "Aniki Bóbó" (1942). Expérience vraiment sidérante de parcourir 70 ans en deux films, en laissant un fantastique éthéré tout en légèreté pour accéder à ce récit d'apprentissage à Porto, à hauteur d'une bande de gamins. Le jour et la nuit.

Le film tourne entièrement autour de la dynamique d'un petit groupe d'enfants, dans lequel on s'immisce grâce au code secret éponyme "Aniki-Bébé Aniki-Bóbó" (apparemment un équivalent portugais de Am stram gram) et plus particulièrement dans l'affrontement entre deux garçons, Carlitos et Eduardo, aux tempéraments opposés. Il y a avant tout une histoire de jalousie entre les deux car une fille les intéresse et ils cherchent à attirer son attention : l'un est maladroit là où l'autre est beaucoup plus entreprenant, ce qui ne tardera pas à alimenter des rivalités enfantines. Une évocation tout en douceur de l'enfance, en quittant rarement leur univers et leurs codes — les adultes sont presque absents du film, à l'exception de l'instituteur (inquiétant comme ils peuvent l'être dans les yeux des enfants) et du commerçant (principalement intéressant pour les bonbons et une poupée, à leurs yeux).

La mort jalonne leurs expériences, en marge des aventures quotidiennes au bord de l'eau, dans le port, dans les ruelles pavées de Porto ou près des chemins de fer. Des rêves aux couleurs expressionnistes, des sentiments amoureux, des histoires de trahison, une sensation de culpabilité qui gangrène tout un imaginaire... La palette des émotions dépeintes est d'une diversité émouvante, très nuancées dans leur description.

À armes égales
6.1
17.

À armes égales (1982)

The Challenge

1 h 50 min. Sortie : 1 septembre 1982 (France). Action, Aventure

Film de John Frankenheimer

Morrinson a mis 2/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Il était donc possible de faire pire que "Black Rain" de Ridley Scott sur le thème de la civilisation japonaise percée à jour par un Américain devant puiser dans ses ressources pour accéder à l'humilité nécessaire... D'un côté on perd Michael Douglas pour cette saucisse en chef de Scott Glenn, mais de l'autre on fait tout de même rentrer dans le champ le maestro Toshiro Mifune, on aurait pu penser que le film ne pouvait pas atteindre un niveau trop bas. Grossière erreur. "The Challenge" est un maxi gloubiboulga indigeste et indigent, réalisé par John Frankenheimer à une période décidément bien peu faste de sa carrière (plutôt l'époque du très mauvais "Dead Bang" que de "Seconds", pour le dire simplement), qui mélange absolument tous les ingrédients qui lui passent sous la main comme un enfant capricieux. Du suspense, de la comédie, de l'action. Du chanbara et de l'art martiaux. Des katanas et des mitraillettes. Non vraiment cela ne fait aucun sens, encapsulé dans la laideur esthétique de sa décennie (tout y passe, fringues, coiffures, chorégraphies), sur fond d'histoire d'honneur et de tragédie familiale — deux sabres d'importance capitale transitent entre États-Unis et Japon, sur fond d'opposition fratricide entre deux hommes que tout oppose, bien grossièrement, l'un est un méchant gangster capitaliste expansif et l'autre un gentil samouraï traditionnel taciturne. Le clash des cultures proposé par l'arrivée de Scott Glenn dans le paysage japonais capturé dans tout son exotisme de supermarché est d'un ridicule incroyable, on a vraiment droit à tous les clichés sur l'incompréhension de l'altérité, sur l'apprentissage en mode "Jackie Chan fait ses classes dans le jardin japonais", avec le dernier quart d'heure donné comme friandise à tous ceux qui attendaient de l'action et du Mifune — la séquence infiltration à l'arc avec les gardes qui tombent les uns après les autres est collector. Un contre cent, aucun problème. Je n'aurais jamais songé voir un jour dans ma vie Mifune dans un navet à la Chuck Norris.

American Splendor
7.1
18.

American Splendor (2003)

1 h 41 min. Sortie : 8 octobre 2003 (France). Comédie dramatique, Biopic

Film de Shari Springer Berman et Robert Pulcini

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Traitement original d'un sujet très peu passionnant en ce qui me concerne, la biographie de Harvey Pekar, un scénariste de comics américain. Tout l'intérêt de "American Splendor", en marge du récit de vie pour ceux qui seront intéressés naturellement, repose dans la narration très originale des événements de la vie de Pekar. Cette dernière s'inscrit dans un mode hybride qui joue la carte du cinéma inséré dans un support BD avec ses cases et ses bulles, et avec de nombreux passages comportant des insertions de séquences animées. La mise en abyme est poussée encore un cran plus loin en faisant intervenir, entre autres, le vrai Harvey Pekar aux côtés de l'acteur qui interprète son rôle — Paul Giamatti, très convaincant dans le rôle, d'ailleurs. L'occasion d'une part de mettre en scène des passages un peu surréalistes dans lesquels on voit les deux hommes, l'acteur et l'acteur jouant le personnage, échanger quelques mots, ou encore quelques reconstitutions de décors de studio sur fond blanc avec seulement quelques éléments de décors, histoire de pousser à fond le sentiment d'étrangeté. Et d'autre part d'initier des discussions / réflexions sur le fait de voir quelqu'un jouer sa personne, ou encore sur le regard porté par Pekar sur le film en cours de création.

Une fois ces éléments cosmétiques mis de côté, le film se résume à narrer la vie de ce documentaliste triste à la vie terne, accessoirement collectionneur de vinyles, qui trouvera un jour l'énergie de raconter sa propre existence pétrie de frustrations. On voit principalement sa rencontre avec Robert Crumb (le documentaire de Terry Zwigoff de 1995 en dira sans surprise beaucoup plus) et celle avec sa partenaire Joyce Brabner. Pas grand-chose n'est dit au sujet du caractère exceptionnel de cette bande-dessinée devenue célèbre alors qu'on parle principalement d'événements triviaux de sa vie de tous les jours. Il y a également dans la toile de fond un récit de solitude, mais le désordre identitaire qu'on sent frémir ne sera jamais pleinement investi il me semble. Quelques archives d'émissions TV viennent compléter le portrait et accentuer le côté bizarre de cette démultiplication de niveaux de lecture empreints d'humour noir.

Anora
7.2
19.

Anora (2024)

2 h 19 min. Sortie : 30 octobre 2024 (France). Comédie dramatique

Film de Sean Baker

Morrinson a mis 4/10.

Annotation :

Je n'ai pas trouvé "Anora" à la hauteur du passif de Sean Baker, l'excellente surprise constituée par "Red Rocket" étant encore très vive en mémoire. Plusieurs thématiques transverses traversent les quelques films vus de sa main, mais c'est le premier film qui investit autant ce côté déambulation dans les rues et la nuit (de New York), dans une telle effusion de sentiments. La seule chose vraiment positive je trouve, c'est le talent de directeur d'acteurs et d'actrices de Baker qui s'est constamment illustré dans sa filmographie — ici il est difficile de ne pas tomber sous l'hypnose provoquée par Mikey Madison. Et je ne dis pas nécessairement ça à cause de son métier, strip-teaseuse dans une boîte de Brooklyn.

Bon déjà, ce qui reste à la fin, c'est l'amertume de la dernière séquence que je trouve certes sensible, mais terriblement opportuniste. C'est très stéréotypé, très artificiel, très attendu, vraiment désagréable et en un sens en désaccord avec les plus de deux heures qui ont précédé. Des pleurs, et probablement le seul instant de sincérité dans tout ce chaos... C'est mal écrit. Il faut aussi être capable de passer sur un autre cliché, celui des oligarques russes, l'acteur Mark Eidelstein jouant le fils pété de thunes vivant comme un roi dans la maison états-unienne de ses parents jusqu'à aller un peu trop loin, c'est-à-dire se marier.

J'entends bien l'idée, d'accompagner la protagoniste dans son malheur dès lors que les premières emmerdes arrivent — le fils s'enfuit. Mais franchement, nous avoir fait croire à un minimum de complicité entre les deux pendant une heure pour en arriver là, et le retrouver au terme d'une course-poursuite un peu poussive complètement distant, c'est un artifice de scénario un peu décevant. À côté de ça, on n'y croit pas vraiment à la vraisemblance ou la spontanéité de cette demande en mariage, à l'origine de tout le bordel... Et je ne suis pas sûr d'accrocher au sous-texte sur la vénalité superficielle des uns et l'amoralité froide des autres.

Personnellement c'est surtout le personnage de Iouri Borissov qui m'a le plus plu, et qui confirme son talent après "Le Capitaine Volkonogov s’est échappé", "Compartiment n°6" et "La Fièvre de Petrov". Quelques séquences réussies comme la mise à sac de la villa des patrons par les deux hommes de main, ou les déboires pour retrouver le fils disparu à la limite du grotesque.

Losers and Winners
20.

Losers and Winners (2006)

Verlieren und Gewinnen

1 h 36 min. Sortie : 2006 (Allemagne).

Documentaire de Ulrike Franke et Michael Loeken

Morrinson a mis 5/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Un carton initial nous apprend que Dortmund a abrité la cokerie (une usine spécialisée dans la synthèse du combustible à partir de charbon, principalement dans le but de produire de la fonte dans les hauts-fourneaux) la plus moderne au monde, et que sa construction a couté 650 millions d'euros. Après huit ans d'exploitation, l'usine a fermé en 2000 car les lois du capitalisme mondialisé ont fait du coke produit à l'étranger un produit davantage rentable que celui produit en Allemagne. "Losers and Winners" raconte dans un mode mi-comique mi-tragique la déconstruction de cette cokerie par des ouvriers chinois, sous la supervision d'ingénieurs allemands, dans un but un peu particulier : le réassemblage complet de l'usine en Chine, morceau par morceau, dans un vaste exercice de démontage / remontage.

Récit d'un transfert de technologie considérée comme ultramoderne à l'époque, au début des années 2000, qui s'intéresse avant tout au versant culturel de cette rencontre forcée — comment deux mondes très éloignés sont contraints de cohabiter et collaborer, le temp de la déconstruction. Le docu s'amuse régulièrement des deux mentalités que tout oppose, entre la volonté d'agir très rapidement pour la partie chinoise (non sans certaines mesures coercitives, comme le retrait de 15% du salaire mensuel à un ouvrier qui a débauché 15 minutes en avance pour prendre sa douche) et l'affolement côté allemand vis-à-vis du respect très approximatif des consignes de sécurité. "Ils sont arrivés comme des fourmis", dira au tout début un responsable de l'usine, et les Chinois appellent les Allemands "les vieux étrangers", en rêvant de pouvoir se payer une Mercedes. On a beaucoup de mal à imaginer la rentabilité d'une telle procédure par opposition à un simple transfert de connaissances et des plans de construction...

On apprendra à la toute fin que deux autres installations identiques verront le jour ailleurs en Chine, et que depuis cette opération d'envergure, le prix du coke est passé de 50 à 500 dollars la tonne. Avec les pressions sur les matières premières à travers le monde, la région du Ruhr songe à relancer la production locale.

L'Homme du large
6.8
21.

L'Homme du large (1920)

1 h 26 min. Sortie : 3 décembre 1920 (France). Drame

Film de Marcel L'Herbier

Morrinson a mis 5/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Dans ce film situé aux débuts de la carrière de Marcel L'Herbier, impossible de ne pas ressentir un certain bouillonnement créateur. C'est simple, il ne se passe pas une minute sans que l'écran ne soit traversé par un carton illustré / inséré de manière très originale (une typographie et un placement presque toujours de circonstance), sans un effet de montage très appuyé (les surimpressions partielles sont légion, pour faire apparaître des têtes dans une région du champ ou pour suggérer diverses pensées), sans un acteur qui se donne à 200% pour figurer ses états d'âme avec grande persuasion (la palme revient au personnage du père, Nolff, interprété par Roger Karl qui semble invariablement en rogne, ou presque). On sent un L'Herbier en ébullition.

Tout cela est fort stimulant, mais c'est malgré tout bien dommage que ce ne soit pas employé au service d'un récit davantage mobilisateur. L'intrigue a subi les assauts du temps comme les côtes bretonnes subissent les assauts de la mer déchaînée dans le film : c'est une intrigue qui se noue autour d'une considération morale, celle d'un père qui plaçait tous ses espoirs en son fils (l'ainée, une fille, peut bien rester avec sa mère et finir au couvent, il s'en contrefout) et qui ne supporte pas qu'au lieu de venir charbonner avec lui, le rejeton préfère passer du bon temps au bar à boire des coups et consommer quelques flirts. Le père ne vit que pour l'océan et le large, le fils ne vit que pour la ville et ses repaires d'oisiveté... Dans les derniers moments, ce dernier aura un geste franchement déplacé et provoquera la furie du patriarche : la punition est dantesque, puisqu'il finira attaché à une barque et livré aux flots pour un jugement divin. La fessée, à côté, c'est un bonheur.

L'Herbier encapsule tout son intrigue dans un flashback censé illustrer une situation initiale teintée de mystère, avec un homme étrange vivant en ermite dans une grotte, comme frappé d'une malédiction. Le lyrisme employé ici est régulièrement embarrassant dans l'effusion de poésie un poil exagérée dont il abuse, en délaissant quelque peu la chair du mélodrame, mais le caractère incongru du fil déroulé maintient un intérêt non-négligeable pour les plus endurants du cinéma muet.

Dogura Magura
6.7
22.

Dogura Magura (1988)

1 h 49 min. Sortie : 15 octobre 1988 (Japon). Épouvante-Horreur, Science-fiction

Film de Toshio Matsumoto

Morrinson a mis 3/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Finalement, il semblerait que les courts-métrages barrés de Toshio Matsumoto ("Atman", "Le Chant des pierres", "Everything Visible Is Empty", "Metastasis") soient plus digestes que ses films de format plus long. La dimension expérimentale et foutraque subie dans "Les Funérailles des roses" était en quelque sorte contenue par les limitations esthétiques et narratives de son époque, les années 60 finissantes, mais "Dogura Magura" lâche en quelque sorte les chevaux, dans un style complètement différent. Je suppose que c'est avant tout une question d'adhésion au concept : un jeune homme se réveille dans une sorte d'hôpital psychiatrique et semble souffrir d'amnésie. Il va peu à peu essayer de recoller les morceaux, exactement comme le spectateur, au gré des bribes d'informations lâchées par les docteurs en charge de sa rééducation. Et cette fragmentation totale des souvenirs et de la conscience, partagée entre réalité et imagination, constitue l'argument essentiel du film.

Mais c'est un exercice de style très poussif, malheureusement. On se désintéresse assez vite du registre de réalité dans lequel on se place, alors que c'est précisément ce qui est censé maintenir l'intérêt : est-on dans un rêve, dans un rêve dans un rêve, est-ce une hallucination ? On n'en finit pas de se poser des questions, de consulter des revues de presse abordant des meurtres et autres disparitions, tout découlant de l'interrogation première — le jeune homme aurait assassiné sa fiancée le jour de leur mariage. Mais le thème du mystère et de la mémoire malmenée est très mal manipulé par Matsumoto, de telle sorte que ça devient assez vite pénible à regarder, sur fond de théorie biologico-médicale en lien avec une malédiction transmise de génération en génération, aussi peu passionnante que le reste. Le film arbore d'innombrables particularités formelles, probablement la caractéristique le plus distrayante du projet, avec des séquences horrifiques (expérimentations sur des corps), des séquences narrées comme dans une pièce de théâtre, et un final complètement frénétique sur le plan colorimétrique (imagerie surréaliste baignée de rouge prend le dessus).

En tout état de cause, le jeu concocté par les deux docteurs peine à susciter un intérêt soutenu, au même titre que leur degré d'hygiène mentale. Le dédale psychologique nous emmène très rapidement dans une impasse, dont les ambiguïtés ne sont pas follement engageantes. Lire le roman originel aiderait potentiellement à y voir plus clair.

Memories of Matsuko
7.3
23.

Memories of Matsuko (2006)

Kiraware Matsuko no isshô

2 h 10 min. Sortie : 27 mai 2006 (Japon). Comédie musicale, Drame

Film de Tetsuya Nakashima

Morrinson a mis 3/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Décidément, pas de chance du côté du cinéma japonais puisque juste après la sévère déconvenue occasionnée par le visionnage du pourtant réputé "Dogura Magura", c'est un autre exercice de style peut-être encore plus excentrique qui m'a puissamment rebuté : "Memories of Matsuko". 20 années séparent et pourtant on retrouve la même dimension frénétique dans la façon de raconter une histoire, à grand renfort de sentiments exacerbés qui jaillissent dans tout le cadre et de montage régulièrement épileptique. Ce qui est le plus préjudiciable du côté de chez Tetsuya Nakashima (mais qui semble malgré tout être majoritairement apprécié), c'est le recours permanent aux effets pour colorer la photographie avec toutes les teintes les plus criardes qui soient, les curseurs de saturation toujours poussés au maximum. Certes, cela relève d'une esthétique pop très marquée et assez originale, mais à titre personnel cela relève de l'épreuve.

Il n'y a rien qui tienne en place, ni la mise en scène, ni la musique, ni les effets spéciaux... Ça part constamment dans tous les sens. Les personnages sont constamment soumis à des variations d'émotions grandiloquentes, on passe du rire aux larmes et inversement, violences conjugales se mélangent aux déclarations d'amour, et le charme de Miki Nakatani dans le rôle principal de Matsuko Kawajiri ne suffit pas à effacer l'ardoise. La distribution française avance ce film comme le Amélie Poulain japonais, donc en un sens, cette précaution pourrait suffire à indiquer ou contre-indiquer le visionnage. Un récit complètement hystérique s'empare de la découverte de la protagoniste, un portrait esquissé en flashbacks, à partir de sa mort illustrée au temps présent au tout début du film, au travers des recherches de son neveu. On est typiquement dans ce mode de narration japonais, capable de manier les thématiques les plus sordides tout en arborant un régime comique surexcité — et régulièrement loufoque, à l'image de la galerie dense de personnages secondaires, voisin punk, actrice porno, mafieux repentant. Et comme cela n'était pas suffisant, Nakashima saupoudre son film de séquences de comédie musicale... Largement de quoi m'achever.

Les Spécialistes
6.1
24.

Les Spécialistes (1985)

1 h 32 min. Sortie : 13 mars 1985 (France). Action, Policier

Film de Patrice Leconte

Morrinson a mis 2/10.

Annotation :

Buddy movie mâtiné de caper et d'action à la française dans un style aussi naze qu'improbable venant de Patrice Leconte — à une époque où il réalisait par exemple "Tandem". C'est un peu le versant sérieux de "Viens chez moi, j'habite chez une copine", dans lequel Michel Blanc a été échangé avec Gérard Lanvin, et Bernard Giraudeau toujours au milieu dans un rôle de protagoniste qui a désespérément mal beaucoup vieilli. Ah que ce film de flic déguisé en malfrat est pourri, avec ses scènes d'action absolument débiles et mal foutues, la cavale des deux gus étant un concentré de n'importe quoi. La psychologie des personnages est d'une connerie abyssale, il n'y a aucun sens dans leur comportement, et au milieu il y a Christiane Jean qui débarque dans le champ, présentée comme "un élément imprévu" histoire d'ajouter un peu plus d'entropie à ce non-sens généralisé. Une fois ce tableau de base bien pérave posé, voilà que "Les Spécialistes" se lance dans un film de casse... On pensait être préparé à tout avec le début, mais Leconte franchit un nouveau cap en proposant la composante caper du ridicule, avec une sorte de proto "Mission: Impossible" vraiment hilarant avec ses petits gadgets et ses fausses bonnes idées en carton, le genre de trucs qui font passer le casse du statut d'impossible à celui de tout à fait faisable... Bref, le casse de ce casino niçois censé être inviolable est tout aussi passionnant que le reste. Dans le tas, Maurice Barrier joue un flic commandant dans l'ombre l'opération des gus, avec des motivations franchement stupides, histoire de compléter encore un peu plus la toile d'un film tout ce qu'il y a de plus sérieux, et pourtant à mourir de rire.

Dernière nuit à Milan
6.9
25.

Dernière nuit à Milan (2023)

L'ultima notte di Amore

2 h 05 min. Sortie : 7 juin 2023 (France). Thriller, Drame

Film de Andrea Di Stefano

Morrinson a mis 5/10.

Annotation :

Andrea Di Stefano n'apporte rien de conséquent au registre du thriller et du polar urbain, mais force est de constater que ce qu'il fait avec "L'ultima notte di Amore", il le fait bien. Progression narrative légèrement fragmentée pour alimenter la tension via autant de canaux que possible, petite pelote de fils familiaux et professionnels emmêlés qui sera lentement démêlée, mélange de cultures italienne et chinoise... Les atouts simples mais efficaces ne manquent pas, tous réunis dans un même objectif, pimenter une histoire de flic qu'on a déjà vu des centaines de fois.

L'éternelle histoire du flic à quelques jours de sa retraite qui se voit confier une dernière mission, un peu trop borderline pour être normale, et qui va se retrouver face au dilemme existentiel de sa petite vie tranquille trouvant son terme (la retraite bien méritée) et de l'attrait pour une source de revenu ponctuelle mais substantielle. Et Pierfrancesco Favino est là pour donner de la force au protagoniste, Franco Amore, aux prises avec ces multiples enjeux qui le tourmentent de manière passive.

Il y a pas mal de grosses ficelles dans le registre du polar, très clairement. On le voit venir de loin, l'embrouille avec ce parrain chinois qui lui propose une fausse bonne magouille, cette mission de protection qui une fois lancée enchaîne les mauvaises surprises. Reconnaissons à Di Stefano un certain talent d'artisan, un savoir-faire qui s'illustre essentiellement dans la mise en scène de cette séquence en voiture médiane, illustration des moments qui ont précédé le temps de l'introduction et qui permettent de la lire différemment. Lorsque la voiture s'arrête dans un tunnel, le gros des ennuis commence... Il ne faut pas trop creuser car dès qu'on gratte on voit très rapidement les limitations de ce scénario, les facilités d'écriture de cette nuit qui tourne très mal.

Mais ce classicisme n'est pas sans charme, il est efficace et il sait se faire captivant de manière régulière. Le thriller nocturne est un genre en soi, déjà largement fourni, et même si "L'ultima notte di Amore" ne marquera pas durablement les esprits, à cause de quelques passages trop forcés principalement, il exerce malgré tout un léger pouvoir de séduction.

Enfin l'amour
26.

Enfin l'amour (1975)

At Long Last Love

2 h 03 min. Sortie : 29 septembre 1976 (France). Comédie musicale

Film de Peter Bogdanovich

Morrinson a mis 3/10 et a écrit une critique.

Annotation :

J'en suis encore traumatisé. Peter Bogdanovich a fait danser et chanter Burt Reynolds dans la peau d'un millionnaire fleur bleue, en allant jusqu'à le pousser à faire des claquettes... Comment dire, c'est probablement l'une des dernières idées qui me serait passée par la tête pour cet acteur. "At Long Last Love" est une comédie musicale particulièrement assommante, réalisée dans le faste des années 1970 peu après son célèbre et merveilleux "La Barbe à papa" (Paper Moon), et autant dire que cet hommage au genre des années 1930 confine à l'incroyable ratage. Il faut une sacrée endurance en matière de musical pour encaisser cette dose létale de guimauve qui mise absolument tout sur deux relations amoureuses croisées, deux couples qui s'échangeront pour mieux se retrouver ensuite... Mais voir Reynolds aux côtés de Cybill Shepherd, Madeline Kahn et Duilio Del Prete n'est pas une sinécure. Tout cela fleure le préfabriqué à des kilomètres, la mise en scène des coups de foudre est d'une désuétude totale (on peut imaginer que c'est précisément ce qui peut en faire son charme, mais personnellement j'y suis à 100% hermétique), et pour parachever le tableau, "Enfin l'amour" est densément garni de séquences de fêtes et de badinages divers d'une nullité que seule la légèreté peut expliquer (à défaut de légitimer). Apparemment Bogdanovich avait un peu les pleins pouvoirs sur ce projet, convaincu du caractère infaillible de la réussite commerciale à venir... Mais il avait tout faux, le tournage a explosé les délais et les budgets, les critiques ont assassiné le film, et pas grand-monde n'a vu le film au final. Mis à part l'intérêt historique et encyclopédique, difficile de justifier son exhumation.

The Last Human
5
27.

The Last Human (2023)

W nich cala nadzieja

1 h 28 min. Sortie : 17 janvier 2025 (France). Drame, Science-fiction

Film de Piotr Biedron

Morrinson a mis 3/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Encore un film de science-fiction de série B passablement inintéressant, complètement décharné, qui mise toute sa légitimité sur une suspension consentie d'incrédulité beaucoup trop osée pour que l'ensemble tienne le coup. Quelques éléments initiaux ne sont pas tout à fait désagréables, il s'agit d'une production polonaise qui insère son récit post-apo dans un cadre de défi climatique non-surmonté par l'espèce humaine, et qui appartient au sous-registre de la SF de survie entièrement basée sur un unique personnage. En l'occurrence, une unique survivante d'une apocalypse (climatique, nucléaire, ou autre, on ne sait pas exactement et le contexte est narré en voix off en 5 minutes express au tout début) vit sa vie autour de son abri construit sur une butte en compagnie de son robot. Elle s'appelle Ève (attention, symbolisme subtil), et son robot Arthur est un mélange entre celui de "Wall-E" et celui de "Short Circuit" : pas le plus finaud des robots, la faute à une écriture qui fait de lui une machine à exécuter les trois lois de la robotique d'Asimov et rien d'autre. Mais bon, même ça, il ne le fait pas bien, puisque le nœud des enjeux passera précisément par le non-respect de ces règles sans que ça n'ait visiblement posé le moindre problème aux scénaristes.

La mise en scène nous le signale grossièrement assez vite : l'héroïne doit à chaque fois qu'elle s'absente redonner un mot de passe au robot, et on sent bien que ce robot de défense ne plaisante pas, la situation pourrait dégénérer si elle n'était pas en mesure de le communiquer. On sait donc très bien ce qui va se passer... Mais c'est complètement stupide dans l'invraisemblance de la situation à laquelle on nous demande d'adhérer : cette survivante, qui a le manuel des codes aimanté sur son frigo visible dix fois par jour, avec son maquillage impeccable, oublierait de le consulter avant le renouvellement du mot de passe. Ça n'a vraiment aucun sens, d'autant que le robot la menacera, refusera de l'aider pour l'empêcher de mourir de soif, etc. On balance les lois d'Asimov mais on s'en contrefout en réalité (sous couvert de l'introduction d'un nouveau paramètre, visiblement quand un humain est de type "réfugié", les lois ne s'appliquent plus, c'est ballot).

Suite
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Moderato cantabile
6.2
28.

Moderato cantabile (1960)

1 h 31 min. Sortie : 25 mai 1960 (France). Drame

Film de Peter Brook

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

Cela fait une éternité que je n'ai pas vu une adaptation cinématographique de Marguerite Duras qui soit réussie... Scénariste elle-même ou adapté d'une de ses œuvres. Il faut constamment se rappeler la merveille "Mademoiselle" (de Tony Richardson, 1966), dont elle a écrit le scénario, ou encore "Hiroshima mon amour" (Alain Resnais, 1959) pour ne pas oublier qu'il y avait autre chose en marge des naufrages écrasants comme "India Song" (réalisatrice et scénariste), "L'Amant" de Jean-Jacques Annaud, et donc ce "Moderato cantabile" réalisé par Peter Brook — qu'on a connu bien plus inspiré du côté de "Lord of the Flies" en 1963.

Bon, on a dit bien peu de choses en déroulant ces références. Mais c'est un sentiment constant ces derniers temps : plus qu'hermétique, il semblerait que je sois allergique à la transposition dans des codes propres au cinéma de ce qui constitue apparemment la matrice de son style littéraire. Je vois à vrai dire assez bien ce que le matériau d'origine peut donner, et je suis persuadé que c'est un mode plus adapté pour conter de cette façon les vicissitudes d'une femme mariée, appartenant à la classe bourgeoise particulièrement oisive, interprétée par Jeanne Moreau, qui s'ennuie à mourir dans son carcan familial. Un jour, un électrochoc : en contrebas du salon dans lequel son fils prend des cours de piano, on entend un cri, une femme vient d'être tuée, probablement par son amant — on appelait cela un meurtre passionnel. Elle se fait chier, profondément, et cet événement va la mettre en relation avec un homme, Jean-Paul Belmondo, ouvrier dans l'usine de son mari. Et voilà, tout est écrit. Elle s'éprend de lui, mais la relation ne sera pas réciproque, et elle vivra la séparation comme un avant-goût de la mort.

La bourgeoise délaissée, l'amour naissant entre deux ectoplasmes appartenant à des milieux diamétralement opposés, un cri qui ouvre et ferme le récit... On saisit l'idée, sans aucune difficulté. Cette porte entrouverte sur un monde de passion qu'elle n'avait jamais aperçu jusque-là, et qui se referme brutalement avant d'avoir pu y accéder, ce décor de grisaille qui transpire le désespoir de tous ses pores, les silences pesants, les dialogues artificiels (probablement hérités du roman) et neurasthéniques... Énième variation sur le thème de l'étiolement bourgeois, sujet très intéressant, mais capturé ici dans un écrin fade, affecté et assommant.

Cherry Tobacco
29.

Cherry Tobacco (2014)

Kirsitubakas

1 h 33 min. Sortie : 17 octobre 2014 (Estonie).

Film de Andres Maimik et Katrin Maimik

Morrinson a mis 3/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Mélange de romcom et de coming-of-age story assez anecdotique qui ne vaut le détour que si l'on est curieux d'entendre de l'estonien. Tout y est entre moyen et médiocre, et on suit le récit peu passionnant d'une adolescente de 17 ans qui se cherche, entre un garçon de son âge et un guide de randonnée plus âgé. "Cherry Tobacco", du nom du tabac que fume l'homme qu'elle rencontre lors de l'escapade forestière, évolue dans un sillon médian, très loin des grosses productions argentées mais tout aussi éloigné des circuits arty du cinéma indépendant. Le ton est volontairement neutre, froid, et on colle aux basques de l'ado sans conviction, quand elle va manger chez son ami (sous le regard lourdingue de la mère) ou quand elle flirte dans les bois. On sent que dans le fond, Andres Maimik et Katrin Maimik cherchent à questionner le rapport à la norme chez la protagoniste, qui ne sait pas trop ce qui est bien, ce qui est convenu, et au contraire ce qui serait mal vu. Elle semble avoir beaucoup de mal à prendre des décisions. Mais il aurait fallu face à elle un personnage d'adulte un peu plus conséquent dans la peau de ce guide paumé, tout ce qui est suggéré ici est assez peu engageant sur le plan des sentiments amoureux adolescents. Dans la toile de fond se trame également une observation de la lassitude, on sent que Laura s'ennuie ferme dans sa petite ville et dans l'appartement de sa mère, et qu'elle trouve les garçons de son âge pas hyper enthousiasmants. Il y a une ligne de crête que le film ne saisit pas vraiment, cette bizarrerie liée à la différence d'âge, qui est doté d'un certain potentiel inexploité ici — et quand bien même on aurait beaucoup de mal à imaginer une situation inversée du point de vue des âges et des genres.

The Unstable Object
30.

The Unstable Object (2011)

1 h 07 min. Sortie : 2011 (États-Unis). Science, Société

Documentaire de Daniel Eisenberg

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

La signification exacte du titre, "The Unstable Object", reste quelque peu obscure à la fin du visionnage de ce documentaire qui pose un regard sur trois lieux de travail à travers le monde : d'abord, une usine de montage Volkswagen à Dresden en Allemagne, puis une entreprise employant des personnes non-voyantes qui fabrique des horloges à New York aux États-Unis, et enfin une entreprise turque spécialisée dans la réalisation de cymbales à partir de paille de bronze à Istanbul. Une voiture, une horloge, une cymbale, soit trois objets confectionnés dans trois environnements industriels radicalement différents pour ne pas dire opposés.

Entre 20 et 30 minutes sont consacrées à chaque site, selon des progressions et des ambiances qui évoluent de manière drastique à mesure que les différents pays défilent.
Il y a d'abord l'ambiance extrêmement aseptisée de l'usine automobile allemande, avec ses ouvriers en tenues blanches souvent immaculées, qui assemblent méthodiquement des pièces sur la carrosserie de futures voitures. Chaque poste semble unique, chaque ouvrier libre de ses mouvements pour réaliser des actions diversifiées. Au milieu d'immenses hangars, ils circulent aux côtés de robots apparemment autonomes en charge de quelques tâches vaguement identifiées — transports de composants lourds, vissage de parties critiques, etc. Au terme de l'aperçu, on peut voir des clients fortunés repartir directement du lieu dans leur voiture de luxe, qu'une hôtesse aura pris le soin de garnir de leurs effets personnels, après être passés par d'immenses portes coulissantes rutilantes.
Puis vient l'atmosphère d'une usine d'assemblage d'horloge bas de gamme, où les schémas de travail à la chaîne sautent immédiatement aux yeux, une fois établie la particularité des personnes mal voyantes. On voit les mêmes gestes répétés inlassablement, assurés à une poignée de postes. Les objets sont produits en série, à une cadence élevée.

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Morrinson

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